La coiffe catalane sous le Second Empire (1858).

Portrait de jeune femme. Une jeune Catalane portant la coiffe, en robe à crinoline. Elle porte une veste cape qui lui sert de manteau. Photo Bataille, Perpignan, vers1863, collection Institut du Grenat.

Portrait de jeune femme. Une jeune Catalane portant la coiffe, en robe à crinoline. Elle porte une veste cape qui lui sert de manteau. Photo Bataille, Perpignan, vers1863, collection Institut du Grenat.

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Ce récit de voyage concernant Perpignan est de l’écrivain pyrénéiste Alfred Tonnellé. Né à Tours le 5 décembre 1831, brillant élève au lycée, il suit les cours à Louis-le-Grand à Paris, se passionne pour la peinture, la musique, l’architecture, l’histoire, la culture gréco-romaine, la philosophie. Il lit couramment le latin, le grec, l’anglais et l’allemand, traduit un ouvrage de linguistique du philosophe Wilhem von Humboldt, dans lequel ce dernier expose sa théorie de l’influence des formes grammaticales sur la structure des pensées. Avec son ami Heinrich, professeur à Lyon, il visite les Alpes, la Suisse, l’Allemagne et l’Angleterre. Invité à séjourner chez des amis à Luchon à l’été 1858, il tombe sous le charme de la haute montagne pyrénéenne dès ses premières excursions, Superbagnères, lac Vert, lac de Gaube, Entécade, etc. Il fait la connaissance d’Ernest Lambron, qui travaille à la rédaction de Les Pyrénées et les eaux thermales sulfurées de Bagnères-de-Luchon, ouvrage enrichi des cartes, plans et tableaux du pyrénéiste luchonnais Toussaint Lézat. Ce dernier, qui a fondé en 1850 la Compagnie des guides de la Maladeta, décèle en lui un montagnard intrépide et lui propose des courses d’envergure.

Cinq semaines se sont écoulées depuis son arrivée à Luchon et Tonnellé voit avec inquiétude l’espace alloué à ses vacances filer entre ses doigts. Il n’ignore pas qu’à son retour il devra trouver sa voie, opter pour une situation, renoncer à la liberté et à l’insouciance du pérégrin. Comment choisir entre les mille et un projets d’aventure qui bourgeonnent dans son esprit, son besoin éperdu d’absolu et les perspectives professionnelles qui s’ouvrent à lui, les engagements auxquels il devra bientôt faire face ? « Vingt-sept ans, âge critique, décisif dans la vie, où il faut se décider, se recueillir, faire son œuvre dans le monde ! Où sera donc le temps de mettre à exécution tant de projets, de voir, de lire, de faire, de connaître tant de choses rêvées ? Il faut élaguer les inutilités. Je n’ai encore rien fait, pour ainsi dire, qu’assembler des matériaux, prendre des notes, et faire des projets pour vivre, comme si je devais avoir une seconde vie dont celle-ci ne serait que l’introduction. Alors je regarde les jours qui passent, et le temps qu’il faut faire un voyage, avec une anxiété d’avare qui veut retenir cette monnaie qui s’écoule. »

Le 15 août, il rencontre Lambron, qui lui fournit des renseignements et des recommandations sur le voyage qu’il désire entreprendre dans les Pyrénées orientales et la Provence. Ses préparatifs effectués, Tonnellé embauche le guide Lafont-Prince, fait ses adieux à Luchon, passe dans le val d’Aran, parvient au Pla de Béret où, dessous un rocher, sourd un filet d’eau terreuse. Selon les Aranais, il s’agit de la source de la Garonne, et Tonnellé s’interroge : « Pourquoi a-t-on donné le nom de Garonne à ce filet insignifiant, plutôt qu’au gros gave qui remonte jusqu’au fond de la vallée ? »

Après la visite de l’ermitage de Montgarri, il quitte la vallée de la Noguera pour prendre la direction de l’Andorre, où à chaque détour du chemin, il s’attend à voir surgir des brigands. Son voyage l’amène successivement à Urgell, Puigcerda, Bourg-Madame et Mont-Louis.

Il traverse la Cerdagne, parvient à Prades puis à Vernet-les-Bains, d’où il espère pouvoir gravir le Canigou, mais une dégradation météorologique l’oblige à renoncer à son projet. « Je regrette surtout ce que j’avais depuis si longtemps caressé dans mon imagination et mon espoir : la vue de la mer terminant les montagnes. C’est un crève-cœur. »Cette vue sur la Méditerranée lui est offerte le lendemain, des hauteurs de la vallée du Tech, et il descend de cheval pour mieux s’en rassasier. « Je ne suis pas lassé de contempler cette bande bleue noyée dans l’horizon vermeil du soir ; ce sont les premiers flots de la mer qui baigne les plus beaux rivages de la terre ; qui a vu naître et se développer, passer, se croiser, s’échanger sur ses rives toutes les civilisations grandes, délicates, précieuses de l’humanité ; cette mer est vraiment le cœur et le charme du monde. Sur cet horizon bleuâtre, l’imagination enchantée vole vers l’Italie et la Grèce, la Judée et l’antique Orient, vers Jérusalem, les Pyramides, le Parthénon, Homère, Raphaël. »Soir après soir, il remplit scrupuleusement son journal, s’astreint à décrire les cités, les ports, les fortifications, les monuments, les musées, les paysages qu’il visite, à peindre les personnes qui l’hébergent ou dont il croise la route, à transcrire la variété de leurs mœurs, à immortaliser les diverses festivités auxquelles il assiste. Âme romanesque, il pérégrine en autonomie, soucieux de se faire une idée de la richesse du Sud, prenant peu à peu conscience de la place importante que la tradition y occupe.

Le montagnard cède peu à peu la place au flâneur et à l’excursionniste, friand d’anecdotes historiques et de pittoresque. Le mont Ventoux ne lui inspire aucun désir de conquête, « il faut sept heures pour y monter », consigne-t-il laconiquement. C’est à une visite guidée qu’il nous conduit, lui le passant idéal, celle des Pyrénées Orientales et du Roussillon, où affleurent partout les racines de la culture gréco-romaine. « Il y a ici, écrit-il, un souvenir vivant de la tradition classique et un mélange perpétuel de ses formes. »

À Arles, après une discussion avec un certain M. Rousseau, qui déplore que son pays soit si arriéré, ne possède ni manufacture, ni usine digne de ce nom, il note : « C’est singulier, ce dépit des pays méridionaux encore épargnés du démon moderne, et cette rage jalouse, cette frénésie d’industrie, cet enthousiasme, ce desiderium de machines à vapeur qui les prend. » D’Amélie-les-Bains, il passe à Figueras, puis au promontoire de Cap de Creus, d’où il peut enfin observer à loisir la Méditerranée dans les meilleures conditions : « Tout repose dans la splendeur : ciel, mer et montagnes. Efflorent omnia. C’est une des plus vives émotions de ma route. » Celle-ci se prolonge avec la visite de Banyuls, Port-Vendres, Collioure et Perpignan.Tout l’enchante et le réjouit dans cette région, mais l’approche du retour assombrit l’horizon. Avoir vécu d’aussi intenses moments, goûté à la vraie vie, et devoir y renoncer pour exercer un emploi pour lequel il ne sent guère d’inclinaison ravive son amertume. « Cette vie est trop courte pour être complète, jette-t-il sur son calepin, elle nous impose des regrets parce qu’elle exige un choix, il faudrait deux vies pour satisfaire ce double besoin dont mon cœur ne peut se résoudre à sacrifier aucun. »

Source documentaire :

http://korpa.fr/tonnelle/tonnelle.html

Type : livre Aux Pyrénées en 1858 : extrait de Trois mois aux Pyrénées dans le Midi : notes de voyage / Alfred Tonnellé
 
Auteur : Tonnellé, Alfred (1831-1858)
Public./Date : Paris : impr. pour Henri Béraldi, 1901 (impr. Lahure)
Desc. Mat. : 295 p. ; 21 cm

 

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