Bals masqués du carnaval de Perpignan sous Louis-Philippe.

La dernière semaine qui clôture les réjouissances de carnaval est attendue avec encore plus d’envie par le tout Perpignan. Traditionnel, le bal du Jeudi-gras qui sera celui de toutes les attentions, est donné au théâtre dès 1836 pour la jeunesse de bonne famille. D’autres bals y sont organisés tout au long de la période ainsi que dans différentes salles de la ville. Les sociétés de garçons louent des salles à l’attention des grisettes, ces jeunes filles des classes modestes.

Chefsdoeuvre_29Ces réjouissances sont l’occasion de se montrer dans ses plus beaux atours. Cest alors que se déroulent les bals les plus enjoués de toute l’année. «Des bals masqués reçoivent au théâtre les différentes coteries. De ces bals masqués, les uns, pour le public payant, sont, comme partout, généralement mal composés ; les autres, donnés par des réunions de jeunes gens et composés par l’élite de la population, sont remarquables autant par la décence qui y règne, que par la beauté, l’élégance, la richesse souvent, et toujours l’infinie variété des costumes de caractère. Les vêtements de tous temps et de tous les âges, les dominos frais, somptueux, élégants, remplissent la salle, circulent dans les corridors, se succèdent et se remplacent dans les loges et les galeries pour intriguer les personnes non travesties. La décoration très bien entendue de la salle, son brillant éclairage, les vases d’orangers qui garnissent quelques fois les avenues, tout produit un de ces effets magiques, qu’au dire des voyageurs, on ne rencontre au même point dans aucune autre ville110007257_306534322868437_3271750579085160339_n

La volonté d’avoir le plus beau costume donne lieu à des scènes proches de lhystérie comme dans ce court récit paru en 1840 dans lAlbum Roussillonnais. «Mais cest désolant! Les heures se succèdent avec une rapidité qui meffraie, encore une qui tombe ! Et ma modistema délicieuse parure! Et ces phrases arrivaient lentes et entrecoupées sur les lèvres, obligées quelles étaient de faire place à des soupirs qui séchappaient dune poitrine haletante. Et une tristesse profonde, une désespérante impatience plissaient aujourd’hui ce front, la veille si riant despoir et damour. Que de fois Jenny montrait à la fenêtre son gentil visage puis len retirait pour le poser attentivement à la porte. Mais rien, absolument rien ne venait dissiper ses inquiétudes. Tout ce qui avait de domestiques au logis avait couru chez la modiste : il fallait vite lexplication de cet impardonnable retard. La petite cloche de lhorloge St Jean annonce lapproche de la huitième heure, le désespoir de Jenny est à son comble. Le bal va souvrir et une fatale incurie la condamne à un mortel éloignement. Comprenez-vous mes jolies lectrices tout ce quil y a de terrible, dhorripilant, dans ces quelques mots de ne pas aller au bal, alors que depuis huit jours, on nourrit les projets les plus séduisants, les plus irisés, quon savoure davance les délices de cette périodique soirée du jeudi-gras? La pauvre femme allait, je crois, succomber à sa douleurTout à coup un pas retenti dans lescalier, on monteEnfin! Tout ce que put dire Jenny, dun ton ou perçaient à la fois le contentement et la crainte. La modiste se confond en excuses, sa faute est rapidement oubliée, la jolie robe en crêpe bleu ciel à double tunique fut son meilleur avocat. Le plaisir du présent efface bien vite les peines du passé. Aussi la jeune dame ne songea plus quaux apprêts. Les parisiennes sont renommées pour leur amour de la parure, mais les dames de Perpignan ne leur cèdent en rien.2VignetteBalNuit On ma raconté dune dame aimable et jolie, que pour briller dans un bal de notre ville, elle avait jadis employé le talent dun des plus habiles coiffeurs de la capitale et était revenue en poste de Paris, la tête ornée dans le dernier goût. On a vu dans la fête de jeudi des prodiges de coquetterie, un déploiement de luxe radieux. Cétait une féerie, une réunion privilégiée, une foule de charmants visages et de délicieux costumes. La salle était décorée avec le plus grand éclat, des flots de lumières lui donnaient une magnifique splendeur, et produisaient sur cette cohue aux mille couleurs, un effet magique et ravissant. Hommes et femmes, dominos des deux sexes sy pressaient ardents et joyeux, et attendaient le gai signal des contredanses. Le nombreux orchestre dirigé par monsieur Garouste, à peine se fait il entendre, que tout est envahi par les quadrilles, tout flotte, cest un désordre qui donne des vertiges. Toutes les loges, toutes les galeries sont remplies de spectateurs2. »

1 Henry, (D.M.J.), Le guide en Roussillon ou itinéraire du voyageur dans le Département des Pyrénées-Orientales, 1842, p.164-167.

2 Album Roussillonnais, 1840, p.11.

Ce contenu a été publié dans Restauration. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

2 réponses à Bals masqués du carnaval de Perpignan sous Louis-Philippe.

  1. monier anne marie dit :

    Ou peut-on trouver le nom de l’auteur du tableau représentant un couple sur une de vos illustrations, époque 19ème siècle. Merci d’avance.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *