Contributeur: Sylvain Chevauché.
Personnage méconnu aujourd’hui, Paul d’Ortaffa fut pourtant une des grandes figures de l’histoire du Roussillon, particulièrement durant une période essentielle : la Révolution française.

Paul d’Ortaffa
Son parcours mérite d’être rappelé aujourd’hui et son portrait, récemment mis en vente à Barcelone, de prendre place parmi notre galerie d’ancêtres roussillonnais.
Il naquit en plein règne de Louis XV, à Perpignan, le 30 avril 1745.
A bien des titres il représente l’exemple même du gentilhomme de son époque, tel qu’on en voit tous les traits distinctifs sur son portrait : regard intelligent, rieur et badin mais perçant, moue dédaigneuse, délicatesse et simplicité de l’habillement accompagnée d’une croix de Saint-Louis rappelant la vocation militaire de la noblesse de province.
Issu de l’une des quatre ou cinq familles qui dominent le Roussillon, proche parent de toutes, il entre comme ses pairs dans la carrière des armes et il est présenté au roi en 1761. Il se distingue rapidement et, en 1779, est nommé mestre de camp d’infanterie et inspecteur général des Garde-Côtes du Roussillon avec rang de colonel.
La croix de Saint-Louis, plus haute décoration réservée aux officiers à l’époque, lui est accordée en 1786, date approximative du portrait. La noblesse fortunée est alors insouciante et rêveuse, bercée par les expéditions de La Pérouse et les découvertes scientifiques, très favorable aux idées nouvelles des Lumières qui parlent de liberté et de progrès. Talleyrand pourra écrire plus tard, en repensant à ces années-là : « Qui n’a pas vécu dans les années voisines de 1789 ne sait pas ce que c’est que le plaisir de vivre ».
Paul d’Ortaffa, comme c’est alors la mode dans les élites françaises, est initié à la Franc-Maçonnerie : dans la loge perpignanaise « Les Amis de la Parfaite Union », il côtoie les principaux médecins, avocats, libraires, musiciens et gentilshommes de la ville. Il fréquente assez souvent la cour de Versailles, ce qui est un privilège donné à peu de Roussillonnais : dans la correspondance de son proche cousin le marquis d’Oms, on apprend qu’il met à sa disposition de ce dernier son carrosse pour faire ce voyage, qui, à l’époque, dure plus de deux semaines.
Portrait de Marie de Ros (1747-vers 1787), épouse de Paul d’Ortaffa (collection privée) Morte à un âge précoce, à Paris, sans doute lors de l’un de ces séjours, madame d’Ortaffa laisse son mari avec deux enfants en bas âge.
Des inventaires postérieurs de l’intérieur de l’hôtel d’Ortaffa à Perpignan, hérité de ses ancêtres (situé entre la rue Lazare Escarguel et la rue des Fabriques d’en Nabot, actuellement l’une des ailes de la préfecture), permettent de découvrir un peu de leur intimité, et de la grande affection sans doute portée par Paul à sa seule fille après la mort de son épouse : la garde-robe de l’enfant est littéralement un magasin de couture, avec tout ce que l’on peut désirer de fil, d’étoffes, de robes et de chapeaux…

Portrait probable de Rose d Ortaffa née en 1770.