Perpignan, description de la procession du jeudi saint en 1778.

Et l’on voyait encore en 1778, la fameuse procession de Perpignan, l’une des plus insignes folies de ce genre. Cette procession qui durait depuis dix heures du soir jusqu’à quatre heures du matin, parcourait presque toutes les rues de la ville, et entrait dans plusieurs églises, qui, toutes étaient très illuminées. Deux trompettes en faisaient l’ouverture, puis un porte-enseigne, tous trois habillés de rouge.

On voyait ensuite deux bannières noires ou étaient peints les instruments de la passion, puis un nombre indéfini d’hommes en habits ordinaires, et des pénitents noirs avec des flambeaux de cire blanche, qui faisaient porter leur queue rangés deux à deux et séparés par leurs mystères. On appelait ainsi la représentation, en grandeur naturelle, de divers objets relatifs à la Passion de J.C., portés sur des brancards par quatre pénitents. Le premier était le jardin des oliviers, il appartenait aux jardiniers, le second, la flagellation, c’était celui des menuisiers, le troisième, le couronnement d’épines, qui appartenait aux procureurs, le quatrième, l’Ecce Homo, c’était le mystère de la noblesse, celui qui était toujours accompagné d’un plus grand nombre de flambeaux.

Procession de la Sanch en 1787, BNF, collection Destailleur.

Procession de la Sanch en 1787, BNF, collection Destailleur.

Après venait le porte-croix, ou J.C. montant au calvaire, il était précédé d’un grand nombre d’ecclésiastiques en soutane, avec un chœur de musiciens au milieu et de soldats vêtus à la Romaine. Simon le Cyrénéen, qui venait par derrière, était accompagné de trois filles de Jérusalem, vêtues de noir, dont une représentait sainte Véronique et portait un linge blanc ou était empreinte la face du Sauveur.

Saint Jean suivait, une palme à la main, accompagné de la sainte Vierge, et de la Magdeleine. Dans un autre mystère, on portait Jésus crucifié, sur un brancard tendu de velours noir. Enfin la procession était terminée par le clergé de l’église Saint Jacques, avec des cierges de cire rouge. On y comptait d’ordinaire quatre mille flambeaux.

Dans la même cérémonie, figuraient des personnages singuliers, tels que les saint Jérôme, les Dames-jeannes, les traîneurs de chaines, les barres de fer et les flagellant  entremêlés à la procession et à des distances indéterminées. Les saint Jérôme étaient habillés comme les pénitents noirs, à l’exception que leur capuche était rabattue, Les premiers portaient un plat de cendre, qu’ils indiquaient avec le doigt index de la main droite. Les autres s’accolaient deux à deux, pour traîner une chaîne de fer fort longue, fort grosse et fort pesante.

Les Dames Jeannes, destinés à porter une tête de mort, avaient un casque, une cuirasse, et une culotte de spath, d’une seule pièce. Il leur était impossible à cause de la raideur de leur habit, de faire un pas sans écarter ridiculeusement les cuisses. Les Barres de fer, les bras étendus en croix, et maillotés, sur une barre de fer avec une bande de spath, restaient quelquefois six heures dans cette pénible situation.

Les Flagellant  en corset et jupon blanc, bordés de noir, étaient affublés d’une capuche en pain de sucre, haute de cinq pied, qui laissait tomber sur le visage un linge percé de deux trous. Au corset était pratiquée une large ouverture qui mettait à nu la majeure partie du dos. C’était là qu’ils se frappaient, souvent jusqu’à faire couler le sang, avec une discipline armée d’étoiles d’argent. Ainsi un galant faisait la cour à sa maîtresse  surtout s’il frappait avec adresse, et de manière à teindre de sang ses falbalas.

Voyages en France, ornés de gravures, avec des notes par La Mésangère. Vol. 4, à Paris, chez Chaignieau aîné, 1796-1798.

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