Godefroy Engelmann est né à Mulhouse le 16 août 1788. Il est connu pour être l’introducteur de la lithographie en France. A l’âge de 25 ans, il se trouvait à la tête d’une des plus anciennes manufactures d’indiennerie de sa ville natale, quand des épreuves lithographiques rapportées d’Allemagne tombèrent par hasard entre ses mains, et le décidèrent à s’occuper d’un art dont il devait doter la France. A cette époque (1813), le zèle infatigable de Senefelder avait déjà fait faire des progrès sensibles à la lithographie. Cependant elle n’avait encore reçu de développements sérieux qu’en Allemagne. Des établissements avaient été fondés à Munich, à Vienne, etc., et ils avaient prospéré avec des fortunes diverses. Si des essais avaient été aussi tentés en France et en Angleterre, ils étaient jusqu’alors restés stériles.
Dès 1800 un jeune étudiant de Strasbourg, nommé Niedermayer, lié d’amitié aven les frères de Senefelder, près desquels il avait étudié la lithographie à Munich, avait été appelé à Paris par M. Pleyel, éditeur de musique, pour s’occuper de l’impression de la musique au moyen de la lithographie. Un commencement d’établissement fut organisé mais le prix trop élevé des pierres de Solenhofen vendues à Paris avait forcé l’éditeur à abandonner son projet.
Plus tard, en1812, M. le comte de Lasteyrie s’était occupé de lithographie. Comme M. Pleyel, il voulut organiser une imprimerie lithographique à Paris ; des ouvriers de Munich furent même engagés par lui. Mais M. de Lasteyrie, malgré la brillante position qu’il occupait dans le monde, ne réussit pas mieux alors que l’éditeur de musique. Il était un savant et non un industriel, et ce ne fut qu’en 1817 qu’il parvint à fonder réellement un établissement qu’il céda à des tiers après l’avoir dirigé pendant quelques années.
En 1813 donc, la lithographie n’avait produit en France rien de sérieux, rien de positif, quand Engelmann vint à s’en occuper. Épris tout d’abord de passion pour un art qu’il devinait plutôt qu’il ne le connaissait, Engelmann n’hésita pas à faire venir à ses frais à Mulhouse des pierres de Solenhofen, et avec l’aide seulement du traité que Senefelder avait écrit sur la lithographie, et qui avait été publié à Tubingen par Cotta, il parvint à faire des épreuves lithographiques qui réussirent bien au delà de ses espérances. Il comprit toutefois que pour arriver à de bons résultats il devait joindre la pratique à la théorie. Il résolut d’étudier la lithographie à sa source même, et en 1814 il se rendit à Munich.
Bientôt de retour à Mulhouse avec une presse et une provision de pierres, il organisa une petite imprimerie, fit des épreuves, et dès le mois d’octobre 1815, il put adresser à la Société d’encouragement de Paris une collection de ses produits qui fut remarquée et lui valut des éloges mérités. Encouragé par ces succès, Engelmann se rendit à Paris au mois de juin 1816. Il y fonda une imprimerie qui prit d’assez grands développements, et, au mois d’août de la même année, il adressait une nouvelle collection de lithographies à l’Académie des beaux-arts. Cette collection se composait en partie de dessins dus aux crayons d’artistes distingués. Elle produisit une certaine sensation. Toutefois, dit Engelmann lui-même dans son Traité sur la lithographie, « ce ne fut pas sans de graves difficultés que je parvins à réhabiliter auprès des artistes de Paris la réputation déjà si compromise des procédés lithographiques. Les essais peu satisfaisants faits avant mon arrivée avaient dégoûté le peu de dessinateurs qui avaient confié leurs ouvrages à l’impression sur pierre, et tous paraissaient avoir renoncé à une méthode, qui semblait parodier le crayon. Il me fallut vaincre bien des répugnances avant de mettre cet art en crédit, et ce ne fut que la réussite régulière et constante des planches qui furent confiées à mes presses qui engagea les artistes à revenir à un procédé dont le mérite principal est de multiplier les originaux avec tout l’esprit et le talent du maître ».
Grâce aux efforts persévérants d’Engelmann, grâce aussi à l’impulsion de la Société d’encouragement et de l’Académie des Beaux-arts, la lithographie se developpa en France. Le commerce et l’industrie s’en emparèrent. Assuré dès lors de l’avenir qui s’ouvrait à la lithographie dans son pays, Engelmann ne s’occupa plus que d’apporter de nouvelles améliorations aux procédés connus, Il perfectionna les crayons, les encres, les transports.
En 1819 il trouva le lavis lithographique. Cette découverte, aujourd’hui d’une utilité secondaire par suite des progrès de l’art, fut à son origine presque une révolution dans la lithographie. Elle permettait d’exécuter des teintes légères et unies et par suite de donner au dessin un caractère qu’il n’avait pu avoir jusque-là. Elle valut à son auteur une mention honorable à l’exposition de 1819.
Les deux planches publiées dans : Lettres sur le Roussillon représentent les danses catalanes avec les costumes en usage dans le peuple aux débuts de la Restauration. Signées de Godefroy Engelmann, elles font réellement partie des toutes premières lithographies françaises. Ces lettres imprimées par la maison perpignanaise Tastu père et fils ont probablement été rédigées par Henry, historien et chroniqueur local. Cette maison d’édition reste sous la raison sociale Tastu père et fils de janvier 1817 à décembre 1820. C’est donc bien autour de ces dates, voire même de l’arrivée du préfet le marquis de Villeneuve-Bargemont le 15 juillet 1818, proche du duc d’Angoulême. En effet l’imprimeur se qualifie d’imprimeur du Roi, de S.A.R le duc d’Angoulême et de la préfecture.
Ces costumes populaires sont décrits sommairement dans le récit qui fait la part belle à l’organisation de danses à Perpignan sur la place de la Loge. Ils montrent la forme des coiffes de forme presque carré avec une imposante passe, l’usage du noeud sur le haut de la tete, de fichus d’indienne très ajustés, de manches étroites et longues et de tailles encore assez hautes.