Portrait actuellement au Château de Fontaine Henry, Basse -Normandie. Collection privée.
L’iconographie de la période entre XVII et XVIIIe siècle permet de cerner précisément l’habillement féminin particulier à la bourgeoisie roussillonnaise, un habit intermédiaire entre celui des femmes nobles en habit de cour et celui des paysannes. Sa singularité provient de la présence d’un corps de coupe particulière dans sa forme (arrondie entre les bretelles devant et derrière), ainsi que dans l’ajustement du fichu passant sous les bretelles du corps pour former de petits ailerons de chaque coté. Ce type de corsage semble dériver d’un modèle datant du XVIe s. Il perdure encore au début du XVIIIe s. comme le montrent les ex-voto de l’ermitage de Domanova ou encore une sculpture d’orante de la caditera du Rosaire de l’église Saint Jacques de Perpignan.
Il est aussi porté par la mère du peintre Hyacinthe Rigaud. Le costume de Maria Serra se veut pour le peintre catalan représenter le costume féminin typique du Roussillon, aussi proche de la réalité que le costume alsacien montré à la même époque le peintre Nicolas de Largillière dans son célèbre portrait de la « belle strasbourgeoise » daté de 1703. Les deux cités de Strasbourg et de Perpignan ont en effet des points communs tout comme ces deux portraits. La ville impériale de Strasbourg a été rattachée au royaume de France en 1681, une vingtaine d’années après Perpignan. Les consuls de la ville alsacienne avaient déjà promulgué quelques dizaines d’années avant l’annexion officielle des ordonnances codifiant les costumes des différentes classes d’habitants. Ils interdisent ainsi la mode « allemande » pour les deux sexes. Toutefois le costume local des bourgeoises, costume de tradition germanique, perdure jusqu’au début du XVIIIe s., les femmes continuant d’arborer un grand chapeau bicorne en feutre noir dont l’envergure dépassait nettement celle des épaules.
Le portrait de Maria Serre, légèrement antérieur à celui de la Belle Strasbourgeoise, a été peint par Rigaud à Perpignan en 1695. Voulant toujours l’avoir près de lui, il fit le portrait de sa mère sous trois faces différentes, probablement aussi en pensant à son ami le sculpteur Coysevox qui réalisera ensuite un buste en marbre. Ce buste orna l’atelier de Rigaud jusqu’à sa mort . Un an après la réalisation du portrait, le peintre ramena sa mère à Paris. Les historiens biographes du peintre nous enseignent qu’il n’accepta pas qu’elle échangeât, durant son séjour dans la capitale, ses humbles vêtements catalans contre de plus riches robes à la française, ne voulant pas, disait-il, qu’on lui changea sa mère, alors qu’il est lui-même le peintre de la Cour. Maria Serre ne resta pas longtemps à la capitale et revint à Perpignan ou elle mourut à un âge avancé en 1721. Rigaud et Largillière ont à leur façon su décrire la réalité de costumes féminins provinciaux, issus de deux territoires nouvellement francisés, faisant d’une certaine manière œuvre d’ethnographes avant l’heure.
Nicolas de Largillierre, “La Belle Strasbourgeoise”, 1703, huile sur toile, 138 x106 cm, Musée des Beaux-arts, Strasbourg.
Plus de renseignements : Trendel, G., « Strassburger Kleiderordnung ou les ordonnances du Magistrat de Strasbourg sur la manière de s’habiller », Recherches Médiévales, n°53, février 1997.
A sa mort, il le buste fut légué à Monseigneur le Dauphin, espérant que celui-ci le placerait dans une des galeries du château de Meudon ou de Versailles.