Philibert Orry (Troyes, 1689-La Chapelle-Godefroy, 1747) est nommé intendant à Soissons (1722), à Perpignan (1727) et enfin à Lille (1730), puis contrôleur général des Finances toujours en 1730 dans une France touchée par la banqueroute de Law. Sa politique rigoureuse ramène le pays à un équilibre budgétaire. En poste pendant 15 ans, il réforme les impôts et favorise la circulation des marchandises en repensant le réseau routier et les voies navigables. Appuyant ses décisions sur des enquêtes de terrain systématiques, il est à l’origine du premier recensement en 1744. Après la mort de son protecteur, le cardinal de Fleury, il ne peut s’opposer au comte d’Argenson soutenu par madame de Pompadour qui demande des fonds pour financer la guerre, et démissionne le 5 décembre 1745. Il avait été nommé conseiller d’Etat le 6 janvier 1731, ministre d’Etat le 11 novembre 1736, conseiller d’Etat ordinaire le 30 juillet 1742, et grand trésorier des Ordres du roi le 10 février 1743. Le livre de raison de Hyacinthe Rigaud mentionne en 1734 le paiement de 3.000 livres pour un portrait de Philibert Orry en figure jusqu’aux genoux (cf. Joseph Roman : Le livre de raison du peintre Hyacinthe Rigaud, Paris, 1919, p. 211).
Aujourd’hui disparu, le tableau est connu par une gravure de Bernard Lépicié et des copies. Le musée de Versailles en conserve deux : Celle-ci, sans l’écharpe ni la croix de Grand trésorier de l’Ordre du Saint-Esprit (toile, 146 x 112 cm), l’autre avec ces deux insignes (toile, 137 x 111 cm). Le rendu des étoffes, notamment des dentelles sur la moire du manteau y sont remarquables. La mise en scène est classique chez l’artiste.
A Perpignan le nom d’Orry est connu de tous car il désigne la digue de la Tèt coté Nord. Achevée vers 1727, la digue Orry – du nom de l’intendant Philibert Orry – est célèbre à juste titre. La digue actuelle en rive gauche du fleuve, entre les Ponts Joffre et Arago, en est la descendante directe. C’est aussi, historiquement, la première réalisation de cette nature sur un cours d’eau du Roussillon. Dans sa forme initiale, elle se raccordait à la culée nord du Pont de pierre et s’étendait vers l’ouest sur une longueur de 900 mètres. En dépit de sa massivité – sa largeur au sommet atteignait quinze mètres -, il s’agissait d’un ouvrage fragile, élevé à partir des matériaux extraits du fond du lit, simplement tassés et ne bénéficiant d’aucun revêtement de protection. Plusieurs crues, en novembre 1732, novembre 1737 et janvier 1740 permirent de s’en rendre compte, qui l’écornèrent profondément. On entrepris alors de la renforcer par des épis entre lesquels on fit des plantations d’osiers. Le successeur de l’intendant Orry, Bauyn de Jallais, laissa aussi son nom à une digue, édifiée en 1731 sur la rive droite de la Têt, dans le prolongement de l’Ergamas déjà évoqué. En un laps de temps très court, l’aspect du lit de la Têt devenait celui d’un cours d’eau en apparence domestiqué.
Un portrait d’Orry a failli entrer dans les collections de la ville lors de la constitution du Musée. Nous savons que par une lettre en date du 28 octobre 1817, Joseph Tastu avait proposé à Villiers de Terrage, préfet des Pyrénées-Orientales, de vendre au département des tableaux du peintre Rigaud qui se trouvaient à Choisy-le-Roi, dans la galerie de Voïart, son beau-père. L’offre ne fut pas acceptée ; mais en 1820, le nouveau préfet des Pyrénées-Orientales, le marquis Ferdinand de Villeneuve-Bargemont, qui s’intéressait à la création du Musée de la ville de Perpignan, fit l’acquisition, au nom du département, des deux toiles de Rigaud reproduisant les traits du cardinal de Bouillon et ceux de l’artiste. Ces deux tableaux coûtèrent 6000 francs. Joseph Tastu fit spontanément donation au Musée d’un troisième tableau comme complément du marché. Cette dernière toile, oeuvre de Charles Maratti, représente une Vierge. Joseph Tastu offrit au préfet de vendre également au département, pour la somme de 2000 francs, deux autres toiles de Rigaud qu’il avait, disait-il, sous la main. C’étaient les portraits de l’intendant Philibert Orry et de la mère de Rigaud. Cette proposition n’eut pas de suite.