L’alléluia catalan de Jean Fournel, 1910.

Compte-rendu de la Santo Estello de Perpignan de 1910 paru dans la revue Midi Mondain de Montpellier.

 Au moment où il est question de projets de vague organisation provinciale, la cité de Perpignan vient de révéler toute l’énergie vitale, toute la puissante activité morale et intellectuelle que recèle une de nos plus belles provinces occitanes, le Roussillon. La Coupe du Félibrige, symbole de la Confédération des provinces de l’Empire du Soleil, était présentée, dimanche dernier, au peuple catalan de France, par le Capoulié Valère Bernard, présidant les assises annuelles de la Santo-Estello, fête de vie, d’amour et de foi. Les Roussillonnais n’avaient pas encore adhéré à l’action félibréenne. Certes, leur caractère particulariste et leur loyalisme de langue, s’affirmaient à chaque occasion ; certes, leurs poètes et leurs écrivains, les Pépratx, les Talrich, les Bonafont, les Boher, les Puiggari, les Delpont, les Boix (pour n’en citer que sept maintenaient le haut renom de la littérature catalane ; certes, l’âme catalane, cette âme catalane qu’a si noblement exaltée M. Jean Amade) avait tressailli quand les Sept de Font-Segugne et surtout leurs disciples, avaient formulé les revendications de la Race du parler d’Oc ; certes, nos germans pyrénéens se considéraient comme étant de notre souche — mais c’étaient des frères imbus du meilleur esprit de famille, sans le pratiquer, vivant plutôt en indépendants. Dimanche, 5 juin, les Catalans de France sont entrés librement et fièrement dans le Félibrige. Le « capouliérat » de M.Valère Bernard s’ouvre ainsi par un acte fécond. C’est sous une pluie diluvienne que les félibres de Provence, de Languedoc, d’Aquitaine et d’Auvergne effectuèrent leur entrée officielle à Perpignan. Le Béarn était représenté par la félibresse Filadelfe de Gerde, l’Inspirée, la Voyante, sœur de Bernadette de Lourdes par la langue et le « capulet ». La Reine du Félibrige, la reine couronnée à Cette en 1906, Magali de Baroncelli-Javon, coiffée du ruban royal des filles d’Arles, et ses fidèles sujets furent salués par M. l’adjoint Benoît, faisant fonctions de maire. Précédé de la Cobla de Juglars de Céret, composé exclusivement d’instruments catalans, le cortège se rendit à l’Hôtel-de-Ville, où l’on sabla la blanquette de Limoux. Discours de l’adjoint ; discours du président de la Société d’Études Catalanes, M. Vergés de Ricaudy ; remerciements du capoulié Valère Bernard ; vers de Jules Delpont ; chant de l’hymne de la Coupo. Dans sa belle cantate, Visca Rossello ! M. le docteur Boix, après avoir exalté la mer, la plaine, le vin, les fleurs, les fruits et les vents du Roussillon, s’écrie, en s’adressant au vent de l’Albère, à la Tramontane, à la Marinade :

Visca vostre rebombori

Poderosos esperits,

Del cel infants benehits

Qu’escombrau tota malôria.

C’est un pareil salut qui doit être adressé aux langues populaires. Vivent leur rugissement et leur mélodie, leur éloquence et leur fraîcheur ! Les langues des Provinces, catalane ou provençale, auvergnate ou bretonne, béarnaise ou languedocienne, sont l’instrument béni du ciel qui balayera les miasmes qu’a répandus sur les Provinces le parisianisme délétère.

 

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