Costumes roussillonnais chez le peintre Fernand Patrouix (1925-2010)

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Biographie : Né à Perpignan en 1925 dans l’univers de La Font del Gat, café historique du Perpignan de la Belle Epoque, ce fils d’hôteliers et d’industriels de la limonade du même nom, Fernand Patrouix fait des études de dessin et côtoie le maître du paysage roussillonnais André Fons-Godail. Il s’installe en 1955 à Vancouver au Canada ou il ne cessera de peindre notamment des souvenirs du Pays catalan, puis rejoint sa mère à Prades avec son épouse et sa fille Catherine en 1962. Homme discret dans la vie, son oeuvre artistique reste aujourd’hui encore trop méconnue du grand public.

Très jeune Fernand Patrouix développe une acuité et un talent pour la caricature. Il intègre l’Ecole des Beaux-Arts de Paris et de Barcelone. Son travail personnel dégage un style fondé sur l’Arabesque. Il peint sans inspiration directe, au Canada, de mémoire des paysages roussillonnais mais avec une forte influence de la culture indienne et des paysages canadiens. Son oeuvre peut paraître parfois surprenante avec des inspirations fantastiques et médiévales. “On assiste à l’invention et à la réinvention d’un Moyen âge rêvé mais reconnaissable à ses villes vertigineuses, un monde parallèle jamais éloigné de la folie et du rêve”, explique Sylvain Chevauché son petit-fils.

Fernand Patrouix a aimé revisiter également le folklore catalan avec humour d’une façon unique en son genre. Une grande partie de son oeuvre a été exposée annuellement de 1960 à 1970 à la galerie de la Main de fer à Perpignan et en 1980 à Ria ou il présentait ses œuvres avec le jeune peintre Jean-Jacques Parmentier.

Il s’est éteint en 2010.

Documents sur la fresque qui ornait la salle de restaurant de la Font del Gat : 

Déçus de leur échec au Prix de Rome, Fernand Patrouix et Henri Van Moë se mettent alors à bouder les Beaux-Arts, et consacrent leurs efforts à réaliser des œuvres sur le Roussillon, région qu’Henri découvre lors des vacances d’été 1950. Dès le printemps, ils avaient commencé à ébaucher des projets pour une fresque qui devait prendre place dans la grande salle du restaurant de La Font del Gat[1]. Afin de réaliser une scène comportant, visibles du premier coup d’œil, des éléments marquants de l’identité catalane, Fernand reçoit des précisions de ses parents. Sa mère lui décrit les vigatanas, le châle porté par les anciennes, la faixa (bande de satin portée à la taille), son père parle du pourou. On envoie au jeune homme une baratine, par colis, pour qu’il puisse rendre avec réalisme le bonnet traditionnel des catalans[2]. Au début de l’été, les préparatifs matériels commencent : il demande à ses parents de commander des fournitures et planifie en détail l’exécution prévue : piquage du mur, pose de la chaux hydraulique, pose du mortier à fresque, fabrication de l’enduit, décoration finale.[3] Fernand et Van Moé se rendent à Perpignan dans les jours qui suivent, travaillent rapidement, et la fresque est achevée par Henri le 25 juillet 1950[4]. Cette initiative personnelle, marque d’entêtement, déplaît à la direction des Beaux-Arts : il faut le soutien du professeur de fresque, Pierre-Henri Ducos de La Haille, qui apprécié beaucoup le travail des jeunes gens, et rédige un certificat de scolarité en leur faveur, pour arranger les choses.

 


[1] Lettre de Madeleine Patrouix à son fils, Perpignan, 11 juin 1950.

[2] Lettre de MP à son fils, Perpignan, 16 juin 1950.

[3] Lettres de FP à ses parents, Asnières, 12 juillet 1950.

[4] Lettre de Van Moé à FP, Perpignan, 25 juillet 1950.

Voilà quelques correspondances familiales qui illustrent la genèse de la fresque :

« (…) N’oublie pas surtout dans la Font del Gat de changer la forme des baratines. Le catalan la porte sur le front – et d’ailleurs tu la trouveras dans le colis. Le bas de la baratine retombe sur le devant. C’est un défaut facile à réparer. Quand aux sandales la tresse est rouge ou noire mais aussi bien du pied comme de la jambe, tu verras. Châle pour la vieille. Fais ressortir la bande de satin pour les jeunes – une couleur voyante. Et la bande satin qui tranche ! Tu trouveras aussi la fache rouge, chemise blanche ou à rayure. Papa me prie de te dire que le pourou doit être horizontal pour le type qui boit (c’est un détail). Papa a téléphoné à M. Barrère, pour qu’il lui procure des catalanes. (…) Tu trouveras un bonnet de deuil. (…) Ces couleurs si bigarrées sont réussies et donnent le type que vous voulez créer pour cette Font del Gat » (de sa mère 16/6/1950)

« Cher Fernand,

Samedi nous avons bien reçu le tableau de « La Font del Gat. » (…) Monsieur Fons-Godail a vu votre travail, mais à mon point de vue je crois qu’il baisse un peu. Lui aurait mis les danseurs à part. Ton Grand Père dit que cela va et Papa dit que Fons-Godail est gaga ! Fons-Godail disait que tu devrais mettre un chat à gauche sur la fontaine (al gat y manque). Tu feras sans le chat si tu veux mettre une dame ou deux, de celles qui tournent le dos. Des châles voyants surtout ! Quant à la couleur, nous trouvons tous que c’est magnifique. Bref. Vous avez beaucoup travaillé.

Nous avons appris avec plaisir que tu étais chez Mme Van Moé et que vous vouliez faire un petite Font del Gat. Nous nous réjouissons de votre idée et voyons que vous êtes des enfants pratiques, ainsi votre travail ne sera pas perdu. (…) » (de sa mère 11/6/1950)

Fernand planifie l’exécution de la fresque, parle des fournitures achetées. « (…) Rares sont en effet les établissements où se trouvent des décorations à fresque.

Ainsi donc la première partie se termine et elle vous a apporté beaucoup de choses appréciables.

Certains des personnages seront à Perpignan au-dessus de la grandeur nature (il s’agit de ceux qui trainent au bord de la composition). Leur réalisation sera un vrai plaisir, car la surface permettra une recherche épatante. » Demande du sable de rivière. « (…) Pour faciliter le travail de tout le monde, voici quel est mon plan durant l’exécution de la décoration au bar.

1°) D’abord je piquerai le mur de son plâtre, il me faudra une journée pour cela, je ne puis malheureusement pas le faire de nuit, à cause du bruit. Vous installerez ce jour-là les bouteilles ailleurs.

2°) Pour ce qui est de la pose de la chaux hydraulique (si le mur est en briques creuses ou en ciment armé), je ferai cela de nuit. Il faut mouiller le mur et passer la chaux à la taloche et l’aplatir jusqu’à ce qu’elle soit plane dans toute sa surface. Quand la surface sera entièrement couverte, je devrai attendre quelques jours pour que la chaux puisse sécher. Si le mur est en briques creuses le séchage s’effectuera rapidement.

3°) Ensuite viendra la pose du mortier à fresque sur toute la surface (mélange de sable et de chaux éteinte).

4°) Fabrication de l’enduit nécessaire à la décoration (enduit qui reçoit la peinture). Pour cela il me faudra un bac assez large, un tub par exemple, si on en a un, mettez-le de côté.

5°) Travail de décoration final : pose de l’enduit, talochage, truellage, peinture, etc.

Ainsi pour faciliter la chose je peindrai le jour, car cela n’est pas salissant ni encombrant, la pose de la chaux hydr. du mortier et de l’enduit aura lieu la nuit afin d’éviter l’encombrement et la saleté. Le matin Isabelle n’aura qu’à donner un coup de balai et je me mettrai à peindre.

Voilà quel est le travail.

S’il demande un certain effort physique, il n’en offre pas moins la satisfaction de faire une chose durable et de goût. Une chose qui demande la connaissance d’une assez forte technique en dehors des qualités artistiques que l’on peut avoir.»

(12/7/1950)

Lettre de Van Moé disant que la fresque est en train de sécher. (25/7/1950)

Lettre de Van Moé à Fernand où il parle de reprendre le travail de fresque à Perpignan. (3/9/1950)

« Notre première visite à l’Ecole nous sommes allé la faire au Directeur, M. Untersteller, afin de justifier de l’absence depuis le début de l’année scolaire 50-51. Celui-ci nous a reçus dans son bureau, il était au courant de nos travaux, qu’il a trouvés bien. Mais il devait nous critiquer un peu – ce qu’il a fait. Imaginez le travail que nous avons entrepris de notre propre initiative. Rares sont les élèves qui ont travaillé de cette manière. Le Directeur a exigé que nous nous fassions inscrire dans l’atelier de M. Souvelin ( ?) à l’Ecole pour y étudier l’art monumental. Je commence à comprendre de quelle manière on s’inquiétait de nous à l’Ecole. Notre entreprise de Perpignan est un coup pour eux (aussi les a-t-on entendu nous signaler notre tendance a en faire à notre tête). Mais ce sont-là propos que nous comprenons le mieux du monde. Nous avons fait ce qu’il fallait faire et c’est là ce qui nous honore.

Notre maître M. Ducos de la Haille est l’homme que notre décoration touche le plus, aussi nous a-t-il donné le certificat dont ci-joint la copie et que vous pouvez lire avec beaucoup de plaisir. (…)

Avec Henri nous allons entreprendre encore un grand travail, ce sera une pièce de plus à présenter à l’avenir. Ducos de la Haille comme je disais plus haut est très satisfait de ce que nous avons fait cet été. En effet, être au pied du mur et travailler, voilà le meilleur moyen de connaître son métier. Vous verrez le certificat presque élogieux que nous a fait Ducos de la Haille. (…) » » (25/2/1951) voir certificat ci-joint. « Leur absence de l’atelier au début de l’année scolaire 50-51 se trouve parfaitement justifiée par l’exécution en province d’un ensemble de peintures à fresque qu’ils ont réalisé en esquisse et dont le carton avait été préparé à l’atelier avant leur départ » (20/2/1951)

Remerciements à Sylvain Chevauché pour les documents et l’étude biographique de son grand père.

La famille Patrouix était propriétaire de la limonade La Font del Gat.

La famille Patrouix était propriétaire de la limonade La Font del Gat.

 

 
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