Anneau et croix de Jules de Carsalade du Pont, un document inédit.

 

Alors que les plus beaux joyaux des insignes épiscopaux de Mgr de Carsalade ont été célébrés par des poètes, jamais n’avait été déterminée la nature et l’origine de ces pièces majeures pour l’histoire de la bijouterie nord catalane. Voici qui est fait!!

Jules de Carsalade du Pont possédait une croix et un anneau offerts par le marquis de Villahermosa, monsieur Dreyfus-Gonzales.

Mais qui était au juste ce généreux donateur?

D’après Wikipédia, Louis Dreyfus y Gonzalez, marquis de Villahermosa (1874-1965)
était l’un des deux fils de Auguste Dreyfus, né dans une famille juive de Wissembourg, le 28 juin 1827. En 1858, Auguste Dreyfus rejoint la société commerciale Dreyfus Frères & Cie, une petite maison de commerce, spécialisée dans le négoce des tissus et articles de nouveauté, fondée en août 1852 par trois de ses frères, Prosper, Jérôme et Isidore.

Les nouveaux statuts prévoient une augmentation sensible du capital, une extension des activités à la fois sectorielle -on ne se limitera plus au textile- et géographique avec la création d’une succursale à Lima. Auguste part s’installer là-bas la même année et importe les premières marchandises de France. Il ne tarde pas à devenir l’homme clé de la famille. Ses frères s’effacent les uns après les autres si bien qu’Auguste reste seul aux commandes à partir de juin 1869. Au Pérou, Auguste Dreyfus fait le commerce d’objets, produits et denrées de luxe. Il fréquente la haute société, les hommes politiques importants. Il se convertit au catholicisme peu avant son mariage à Lima, le 15 août 1862, avec Sofia Bergman, une Péruvienne.

Auguste Dreyfus décroche le 5 juillet 1869 le contrat du siècle, le contrat Dreyfus. Le monopole de la vente en Europe de deux millions de tonnes de guano péruvien, d’une valeur à la revente de 625 millions de francs, en échange d’un versement de 365 millions !

Auguste Dreyfus signe ce contrat avec le ministre des Finances Nicolás de Piérola Villena. Le président du Pérou, José Balta fait confiance à son ami, Auguste Dreyfus et ses relations, pour sortir le Pérou d’une situation financière désastreuse. José Balta et son ministre des finances sont bien conscients que ce marché va générer des bénéfices énormes. À cette source de profits, s’ajoutent celle de la charge d’agent financier du Pérou. Auguste Dreyfus s’engage à assurer le service de la dette péruvienne et à faire des avances de fonds au gouvernement pour un montant de 75 millions de francs la première année et de 67 millions les années suivantes. L’accord est ratifié au Pérou le 17 août 1869. Dreyfus écrit le 21 août à Charles Herpin, directeur de la Société générale, que c’est « la plus grosse, la plus lucrative, la plus positive affaire qui existe dans le monde ». Bref, Auguste Dreyfus est à la tête d’une véritable multinationale qui transporte de 1870 à 1880 1,8 million de tonnes de guano sur près de 2000 navires battant huit pavillons. Ayant cessé de payer les intérêts de la dette péruvienne à compter du 1er janvier 1876, Auguste Dreyfus est attaqué en justice par les porteurs britanniques. Les armateurs s’y mettent à leur tour. Pour finir, il se brouille avec la Société générale, qui l’avait lâché pour apporter son soutien à Sir Raphaël, et il se rapproche du Crédit industriel et commercial et de la Compagnie financière et commerciale du Pacifique qui avaient mis à profit une nouvelle révolution péruvienne, la guerre entre le Pérou et le Chili, et la conquête par ce dernier des îles à guano pour décrocher à son tour, en 1880, un contrat de vente de guano. En décembre 1880, la créance de Dreyfus sur l’État péruvien, reconnue par acte notarié du 1er décembre 1880 est encore de 3 214 388 £ (soit 81 millions de francs environ).

Toutes ses affaires trouvent leur conclusion au prétoire. Cinquante-quatre avocats, parmi lesquels Waldeck-Rousseau, plaident pour Auguste Dreyfus dans trois groupes de procès : les uns intentés par Dreyfus Frères, appuyés par le gouvernement français, contre les gouvernements péruvien et chilien ; les autres entre membres de la participation guano, marqués notamment par le suicide de Premsel, le 12 novembre 1885, et sa mise en faillite, ainsi que par la démission de Guillaume Denière de la présidence de la Société générale, en février 1886 ; enfin les actions menées par les sous-participants contre Auguste Dreyfus ; certains de ces conflits ne trouveront leur conclusion devant les instances internationales qu’à la fin des années 1930.

Dans son testament du 11 mars 1892, Auguste Dreyfus évoque ces « luttes soutenues pendant 25 ans, sans précédent peut-être, en sauvegarde d’intérêts considérables, confiés à ma gestion et en défense de mon nom !! Luttes gigantesques ! ». Il remporte tous ses procès, mais la guerre du Pacifique (1879-1884) met un terme à la carrière commerciale de Dreyfus et retarde par deux décennies l’ajustement de ses comptes avec le gouvernement péruvien.

Revenu en France, Auguste Dreyfus achète d’importants domaines viticoles dans le Sud: En 1890, le château de Sainte-Eugénie avec 150 hectares au Soler et le domaine du Mas-Déu (qui appartenait avant lui à Justin Durand) avec 304 hectares, à Trouillas, tous deux près de Perpignan, en 1893, le château de Reysson et ses 136 hectares, à Vertheuil, dans le Médoc. Dans ses diverses propriétés, il emploie au total 65 personnes, dont 13 domestiques à Paris. Enfin il possède au Pérou plusieurs haciendas, des ranchos et des huertas, estimés en 1890 à 4 650 000 francs.

Cette immense fortune permet à Dreyfus de se montrer généreux. Il distribue au cours de sa vie plus de 3 millions de francs à ses frères et sœurs et lègue 650 000 francs pour fonder à Lima une institution d’éducation gratuite pour jeunes filles. Auguste Dreyfus est très lié au personnel républicain de son temps : il est un proche de Jules Grévy, son premier défenseur qui le reçoit, avec sa famille, dans son château de Mont-sous-Vaudrey. Il désigne, dans un premier testament daté de 1890, Waldeck-Rousseau comme exécuteur testamentaire.

Il sera malgré sa conversion l’une des cibles favorites des antisémites.   Auguste Dreyfus tombe malade et se sait condamné. Il meurt à Paris le 25 mai 1897. C’est donc son fils Louis Dreyfus y Gonzalez, marquis de Villahermosa (1874-1965) qui semble hériter de propriétés roussillonnaises du Mas Deu et de Sainte Eugénie.

Dans quelle circonstance les deux hommes ont-ils pu se rencontrer ? La question reste aujourd’hui sans réponse, peut être par l’intermédiaire de l’épouse du marquis, née de Talleyrand Perigord, fervente catholique. (On connait de cette femme un remarquable portrait par Benjamin Constant: Portrait de Anne-Hélène Dreyfus y Gonzalez, Marquise de Villahermosa.)

On ne possède pour l’instant qu’un cliché de ces deux bijoux, conservé dans les archives du Musée Catalan de Perpignan. Expertisés par le joaillier perpignanais Ruf dans les années 1960 comme ayant appartenu à l’évêque Jules de Carsalade du Pont, celui-ci indique qu’il y a une inscription à l’intérieur de l’anneau.

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Une réponse à Anneau et croix de Jules de Carsalade du Pont, un document inédit.

  1. Rosa M. Martín i Ros dit :

    Una història apassionant

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