Costumes catalans du Ballet Joventut de Perpignan

Plutôt qu’une reconstitution, le Ballet Rosselló, de l’Esbart Joventut de Perpignan, offre une évocation des costumes traditionnels et populaires, portés du Roussillon jusqu’en Cerdagne, des espaces de tradition hispanique et catalane, dans une période comprise entre la fin du XVIIIème siècle et le milieu du XIXème siècle.

La première danse, La danse paysanne (en catalan Dansa Pagesa), évoque plus précisément les costumes qui étaient portés en Cerdagne. On le dénote à la forme très particulière de la caputxa, la capuche typique que portent les femmes. Celle-ci est surmontée d’une petite pointe tournée vers le haut. Cette forme se retrouve uniquement en Cerdagne et n’existe pas sur les caputxa portées par les femmes du Roussillon et du Vallespir.

La caputxa était retenue à la coiffe ou au foulard par une épingle au niveau du front. La coiffe, un élément caractéristique du costume féminin catalan, était essentiellement portée en Roussillon. Elle est qualifiée de « coiffe catalane » était remplacée en Cerdagne par une résille, comme le porte les danseuses du ballet. La résille étant en partie transparente, il était d’usage de porter par dessus celle-ci un fichu en coton ou en toile imprimée, qui était noué sous le menton et porté très en arrière sur la tête ; sortir cheveux nus, était à l’époque impossible pour une femme.

La laine est omniprésente dans le costume roussillonnais. Cette matière se retrouve dans la fabrication de nombreuses pièces de vêtements, et notamment pour la fabrication des caputxas. Elles sont très souvent réalisées dans une étoffe fine fabriquées à Prats de Mollo, qui porte le nom de bayette, de couleur blanche pour les jeunes filles, puis, plus sombre (noire ou brune) pour les femmes plus âgées et mariées. La laine se retrouve également pour la confection des barratinas et des faixas des hommes. La Cerdagne est aussi une région montagneuse également connue pour la fabrication en grande quantité des bas tricotés, en coton ou en laine, pendant tout le XVIIIème et le XIXème siècle.

Outre les sabots, portés notamment au cours des activités agricoles, l’idée du costume montagnard pour les hommes vient d’abord de la cape de laine qui remplace le paletot ; utilisée pour les grands froid, surtout dans le cadre de l’activité pastorale et de la transhumance des troupeaux. On l’appelle Cape de Pastor, la Cape de Berger. La barratina, de la première moitié du XIXème siècle est plus longue et tombe sur la nuque, se différenciant  de sa forme et de son port actuel.

Les costumes du ballet apparaissent extrêmement colorés. Pour les paysans roussillonnais et de Cerdagne, les couleurs étaient essentiellement des couleurs naturelles, et ce n’est qu’au début du XIXème siècle qu’apparaissent des nuances beaucoup plus vives et étendues grâce à l’apparition de l’industrie chimique. Toutefois les classes populaires s’habillent de textiles non teints, brutes, avec peu de couleurs : le gris et le marron. Il est d’ailleurs courant de qualifier les jeunes paysannes de grisettes à cause de leur costume terne.

Le costume féminin présentait une superposition de jupons, avec par dessus une jupe d’apparat colorée. On retrouve d’ailleurs sur de nombreuses gravures et peintures, notamment la fameuse Catalane aux cruches de Gustave Violet, l’habitude qu’avaient les femmes de relever cette jupe pour ne pas la salir, en faisant un nœud à l’arrière. L’usage du tablier comme autre élément de protection de la jupe est aussi omniprésent.

Si les costumes anciens, surtout féminins, étaient très ajustés au corps, notamment par des lacets et l’usage de corsets, il est bien entendu que contraintes dues aux mouvements des danseurs ne permettent pas de reconstituer complètement cette caractéristique.

La plaine du Roussillon était propice aux échanges et à la circulation des modes. La Cerdagne, plateau montagneux éloigné des voies principales de communication, a toujours été envisagée comme un conservatoire des traditions. Néanmoins, cette idée est à nuancer. En effet, avec l’établissement de la frontière lors du Traité de Pyrénéens en 1659, la Cerdagne va devenir un endroit extrêmement favorable au commerce et aux trafics en tout genre. Les femmes vont ainsi avoir à leur disposition toutes sortes de matériaux pour enrichir leur habillement, des soieries, des indiennes ou toiles imprimées, et des dentelles qui se trouve en grand nombre stockées chez les grands commerçants, dans les entrepôts des guinguettes d’Hix, (c’est à dire dans la future ville de Bourg-Madame).

Le costume des Cerdanes, diffère donc de celui des Roussillonnaises par son aspect bigarré et riche, renforcé par l’enjolivement typiquement catalan des habits (boutons à pierreries, broderies au fil d’or et petits clinquants).

Plus généralement, dans l’ensemble des régions de France et d’Europe, la première moitié du XIXème siècle voit l’avènement d’un riche costume traditionnel dû à la baisse du coût des matières, comme la soie, auparavant très onéreuse, ainsi que l’apparition de l’impression du coton à l’échelle industrielle au moyen d’une machine appelée la pérotine, qui favorisera une grande diffusion des indiennes dans tous les milieux.

Après 1860-1870, les progrès techniques, la généralisation de la mode française, les voies de communication dont l’arrivée du chemin de fer, la naissance du prêt-à-porter au sein des grands magasins vont entraîner la disparition rapide du costume traditionnel.

Dans le département des Pyrénées-Orientales, le costume traditionnel est surtout connu de nos jours grâce aux archives, aux actes notariés et inventaires après décès, ainsi que par des fonds privés. On retrouve quelques gravures pour le XVIIIème siècle, notamment celles de l’ouvrage de Carrère, puis en 1833 au sein d’un album de plus de vingt planches consacrées au costume populaire roussillonnais, d’Alphonse Bayot. Celui-ci s’inscrit dans le phénomène romantique des années 1820-1840, qui va favoriser la création de nombreuses lithographies sur les costumes des régions françaises.

Les costumes réalisés par la couturière Annie Galli participent à un processus de revalorisation du patrimoine culturel et ethnographique des Pyrénées-Orientales, patrimoine bien souvent oublié, dénigré, travesti, et au sujet duquel il existe peu de travaux scientifiques hormis le site internet de l’Institut du Grenat.

 

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