Perpignan, bal de charité de la Loge Saint-Jean des Arts en 1867

« Si vous êtes allé au bal de Saint-Jean des Arts, ce n’est pas pour vous que j’écris. Son souvenir doit dorer tous vos songes. Si une raison quelconque vous a empêché d’y assister, préparez vous à de vifs regrets, car vous avez manqué à une des soirée des plus ravissantes que puissent nous donner nos loges maçonniques si habiles pourtant à solliciter notre charité par l’attrait des plaisirs les plus légitimes.

Nous ne voulons pas parler ni de l’exquise urbanité de MM les commissaires, ni de l’orchestre si bien conduit et si bien approprié aux dimensions de la salle, ni de cette salle elle-même dont ces messieurs avaient fait un délicieux boudoir.

Nous ne mentionnerons pas l’affluence des nombreux et élégants cavaliers, et nous ne citerons la présence de Mr le Préfet, Mr le général Cambriels et de Mr le Maire, que pour rappeler qu’on est toujours certains de trouver ces Messieurs partout ou il y a un encouragement à donner, à bien faire.

Modes Napoléon III , le Quadrille Phocéen.

Modes Napoléon III , le Quadrille Phocéen.

Nous voulons vous entretenir des danseuses, chapitre interminable et pour lequel il faudrait une plume de vingt ans.

Il y avait tout autour de la salle, ce que notre ami l’auteur du Bal de la Sous-préfecture, appellerait une guirlande de fleurs, et que nous nommerons nous, pauvre prosateur, une réunion de belles demoiselles et de dames qu’on appelait : Mesdemoiselles ; des toilettes blanches et roses, moins blanches et moins roses que les vrais visages de celles qui les portaient.

Nous avons beau ne pas vouloir citer, nous ne pouvons nous empêcher de nous rappeler deux robes de tarlatane, l’une ponceau, l’autre rose, vives mignonnes et pétillantes, trois toilettes blanches portées par de jeunes filles, des enfants presque, l’une blonde, les deux autres brunes mais d’un brun mat sous lequel on voyait circuler un sang rose.

Il y avait encore une splendide et gracieuse beauté, en robe gris perle, avec des nœuds ponceau. Les unes avaient des fleurs dans les cheveux, d’autres autour de leur coiffe catalane.

Nous entendions un étranger dire avec admiration, « je n’aurais jamais cru que la coiffure catalane fut si jolie ! »le malheureux il ne comprenait pas que cette coiffure recevait sa beauté des têtes qu’elle couvrait.

Il y avait encore dans une toilette du meilleurs goût, une reine de notre théâtre, charmante là comme sur la scène, ne dansant pas, mais recevant avec une grâce parfaite, les hommages de la cour qui s’était improvisée autour d’elle.

Vers minuit la quête a été faite par deux des jeunes filles dont nous avons esquissé le portrait parmi les plus jolies, et que conduisait le vénérable de la loge et l’un des surveillants. Le produit a été de 259fr. et 35 ct. Joli denier ma foi ! Et qui fera sourire bien des pauvres.

Après avoir déposé notre offrande dans l’aumônière que nous présenta la plus jolie petite main du monde, nous regagnons notre logis, laissant la jeunesse sauter, danser, s’enivrer de l’atmosphère délicieuse de la salle de St Jean des Arts, et, l’esprit léger, l’âme heureuse, nous redisions ces deux vers d’une chanson bien vieille, puisqu’elle l’est plus que nous :

De vos plaisirs il reste à ma vieillesse,

Moins un regret qu’un heureux souvenir.

A.Blanc, Journal des P.O. 1867.

Portrait de Marie Jobe en coiffe catalane, Urbain Viguier, 1860

Portrait de Marie Jobe en coiffe catalane, Urbain Viguier, 1860

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