C’est le 17 avril 1793 que les armées espagnoles, conduites par le général Ricardos, pénètrèrent en Vallespir, où la population, qui n’avait jamais trop apprécié les Français, ne leur opposa qu’une maigre résistance, tandis que les troupes françaises étaient balayées et se retiraient sur Perpignan. L’avance espagnole continue encore quelques semaines, puis la situation se stabilise : les Espagnols occupent certes tout le Vallespir et une bonne partie de la vallée de la Tet, mais ils ont été bloqués et même en partie repoussés grâce aux efforts, entre autres, du conventionnel Cassagnes. Plutôt que de continuer à avancer, le général Ricardos songe à protéger ses arrières. Pour cela, il aurait notamment besoin de contrôler la chaîne des Albères et les villages de la côte. Mais il faut d’abord s’emparer d’un verrou stratégique, le col de Banyuls. C’est précisément ce qui se passe le 15 décembre 1793.
Si l’on en croit Pierre Vidal (Histoire de la Révolution française dans les P-O, 1889, tome 3, pp. 137-140), c’est essentiellement à leur génie stratégique et tactique que les Espagnols doivent leur victoire, tandis que les Français commandés par Delattre accumulaient les bévues. Une première attaque espagnole est repoussée au petit matin, puis les Français s’endorment sur leurs lauriers, pendant que le général espagnol Curten, qui a entretemps renforcé ses troupes, les lance dans un nouvel assaut cette fois décisif. Laissons la parole à Vidal :
“Alors Curten accourt, harangue les soldats et les excite au combat. Ils se précipitent sur nous, enlèvent le Pla de les Eras, malgré le courage des nôtres, et s’emparent de la batterie que nous avions établie à l’ouest du col de Banyuls… Le poste important et élevé du Puig de la Calm avait été enlevé par les colonnes de Navarro et de Castrillo ; la quatrième, commandée par le Portugais Carvajal, nous avait délogés du col de la Vallauria. Les troupes de Curten victorieuses vinrent se réunir et se reposer sur ce point.
“La déroute de nos soldats était complète. Ils se précipitèrent dans le bassin de Banyuls et coururent se réfugier en grande partie sur la crête de Biarra, où se trouvent aujourd’hui le phare et le fort de Port-Vendres ; les autres étaient descendus au village de Banyuls. Point n’était nécessaire de tant courir ; ainsi que nous venons de le voir, les Espagnols de Curten se reposaient.”
“Mais il faut d’abord s’emparer d’un verrou stratégique, le col de Banyuls. C’est précisément ce qui se passe le 15 décembre 1793… c’est essentiellement à leur génie stratégique et tactique que les Espagnols doivent leur victoire, tandis que les Français commandés par Delattre accumulaient les bévues” : Ce qui n’empêchera pas les Français de reprendre définitivement le dessus quelques mois plus tard lors de la bataille dite du Boulou (mai 1794), mettant ainsi un terme à deux années de conflit entre les deux pays.