Anéantissement du club antirévolutionnaire de Perpignan en 1790.

Un épisode survenu au cours de l’année 1790, aujourd’hui méconnu, signe les prémisses des affrontements de la Révolution française à Perpignan.

En mai et juin déjà de graves altercations avaient eu lieu lors du passage du vicomte de Mirabeau, frère du célèbre marquis et comme lui député à l’Assemblée nationale, qui était venu pour mettre de l’ordre à une rébellion entre patriotes et royalistes au sein du régiment de Touraine, qu’il commandait et qui était alors stationné dans la ville.

Le vicomte, au lieu d’apaiser les conflits, avait emporté les insignes du régiment qu’il avait déposés chez le maire, le vieux marquis d’Aguilar, dans son hôtel de la rue d’Espira (act. rue Escarguel).

La Municipalité, accusant Mirabeau de vouloir casser les soldats patriotes, rendit D’Aguilar responsable et le mit en garde à vue.

Fin septembre, se forma à Perpignan un club royaliste, la Société des Amis de la paix, en opposition au club des Amis de la Constitution, favorable à la Révolution.

Ses membres protestaient en premier lieu contre la réforme en cours de la Constitution civile du clergé. Ils louèrent l’hôtel particulier de la famille de Bonet de Sallèles, situé à l’actuel n°2 de la rue Fontfroide.

Étaient chefs de file de ce club Joseph de Banyuls (1723-1801), marquis de Montferrer, les frères Antoine (1737-1795), Joseph (1740-1806) et Jean de Blaÿ (1751-1811), ainsi que plusieurs officiers en garnison, MM. de Maison-Rouge et M. de Parron. La première réunion eut lieu le 26 octobre.

Le recrutement commença dans le calme, mais peu après arriva de Paris Michel de Coma-Serra (1735-1813), député de la noblesse aux États-généraux, qui apporta la nouvelle que les Parisiens avaient envahi Versailles et que la famille royale était prisonnière aux Tuileries.

Les réunions du club royaliste se firent plus animées. On aurait entendu : « Vivent les aristocrates ! Vive le Roy ! Au diable la Nation ! M… à l’Assemblée Nationale ».

Par la suite, la suppression des communautés ecclésiastiques et les premières ventes révolutionnaires mirent le feu aux poudres.

Le 5 décembre 1790 eut lieu une grande réunion au club des Amis de la Constitution, au cours de laquelle fut lu un violent réquisitoire contre le club opposé et contre les aristocrates.

Les Amis de la paix, quant à eux, ne tenaient pas de réunion solennelle et ils étaient moins d’une centaine dans les salons de l’hôtel de Bonet, jouant pour la plupart au loto. Une troupe d’adversaires passa en silence devant la demeure, un coup de feu partit d’une fenêtre et blessa un nommé Gillis à la jambe.

L’enquête judiciaire établit que la bande patriote chantait, qu’une rixe suivit, qu’un nommé Foucard tira alors d’une fenêtre et que la bande se dispersa. Peu après M. Picas, membre des Amis de la paix, traversa la rue Fontfroide, monta au club, en redescendit presque aussitôt. À peine était-il dehors qu’un coup de feu partit cette fois du local des Amis de la Constitution et le blessa à la cuisse.

Alors les événements se précipitèrent. En un instant la place d’Armes était pleine de patriotes, gens du peuple et gardes nationaux. La foule se rua contre les portes du local des Amis de la paix.

Un second coup de feu ayant blessé un assaillant, l’assaut redoubla. La maison fut pillée, 85 personnes furent arrêtées et conduites à la citadelle.

La Municipalité aurait donné l’ordre de tirer sur la foule mais, que cela soit vrai ou non, les soldats ne ripostèrent pas par les armes et laissèrent libre cours aux patriotes.

La foule, voyant un portrait de Louis XVI, se calma et l’émeute prit fin.

Il y aurait eu, selon le pamphlet patriote reproduit plus bas, 13 morts et 22 blessés. Dans les jours qui suivirent, on licencia toutes les compagnies de la garde nationale qui avaient pris fait et cause pour les Amis de la paix.

Tous les officiers démissionnèrent ensuite, ainsi que de nombreux membres de la Municipalité qui y furent poussés, comme le marquis d’Aguilar.

(Sylvain Chevauché, d’après Ph. Torreilles, « Perpignan pendant la révolution », 1896)

Source : Gallica.http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb37248894t
 Parure de la fin du XVIIIe s. dont les fleurs de lys ont été volontairement biffées sous la Révolution Française. 
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