Vous qui vous essayez au pas nouveau de la sardane,
Joignant les mains et votre honnêteté avec le rire d’or
Auquel la danse invite, vous réveillez notre passé en vous
Concertant ainsi.
Cette coiffe blanche et arrondie, serrée sur votre front,
Où l’avez-vous choisie ? Où reposait-elle, à tout jamais
Oubliée de notre âge ? Serait-ce par hasard qu’elle vous
Agrée plus que toute autre coiffure ?
Dans quelle armoire avez-vous découvert le châle rose
Et vert qui vous couvre de l’épaule à la ceinture ?
Ondoyant dans le rythme de la musique, si doux qu’il
Paraît mouillé, il laisse voir la brune fleur de votre cou.
Tandis que l’espadrille joue et saute, liée à la cheville,
Je vois sur la joue fraîche un grenat qui toujours tremble
Et avive son éclat, et la joie de nos aïeux
S’éclaire sur le pli de vos lèvres.
Car c’est ainsi et avec de semblables parures que
Dansaient les filles et les femmes des vieux
Artisans. Les flambeaux, dressés au crépuscule, brûlaient
Dans tous les coins sur la place de la Loge de Mer.
Et maintenant vous regrettez ces airs qui se déroulaient
Doucement du haut de l’échafaudage, les bons
Cornemuseux, les flageolets vaillants et sonores, et la
vive franchise d’une ronde d’or dans la nuit resplendissante et profonde.
Si votre jeunesse s’épanouit maintenant, ainsi que la
Claire fleur que la hampe géante de l’aloès balance à
Peine dans l’azur, vous avez voulu vous rappeler que
Vous aviez vos racines à Perpignan.
Vous sentez jaillir dans votre corps le sang de notre
Race antique. Un rythme séculaire vous lie encore, avec
Un ordre mystérieux, qui toujours se renouvelle, et fait
La jeune fille semblable à l’aïeule.
C’est au passé, ô jeunes filles, que vous devez vos
Tresses noires, l’aimable perfection de votre sein, ces cils
Epais, la clarté sereine du regard et les câlineries du
Langage.
Ainsi joignez les mains, levez vos bras dans la douceur
Du rythme, mêlant vos pas à droite et à gauche. Le
Calice de la fleur du grenadier, quand la danse est plus
vive, semble éclater, vermeil, sur votre joue.
Source : Canta-Perdiu, Paris, 1925.