Colloque sur les Indications Géographiques au regard du Droit.

Jeudi 21 novembre 2024 avait lieu au sein de l’Université de Perpignan un colloque autour de la notion d’Indication géographique pour les produits artisanaux et industriels.

Le législateur français a été l’un des premiers pays de l’UE à instaurer une protection spécifique pour les produits industriels ou artisanaux (loi Hamon du 18 mars 2014) qui profite à ce jour à 19 produits dont le Grenat de Perpignan et la Pierre du midi.

Près de dix ans après, le règlement relatif à l’enregistrement, la protection et le contrôle des indications géographiques (IG) visant des produits artisanaux et industriels possédant une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée liée à leur origine géographique a été publié le 18 octobre 2023.

La protection des IG intéresse fortement le droit de la concurrence et le droit de la consommation qui étaient jusqu’alors les seuls à pouvoir être mobilisés pour protéger le lien entre une dénomination géographique et un produit, plus généralement pour défendre les producteurs et les distributeurs contre des rattachements géographiques frauduleux.

Le règlement promet l’uniformisation en ce qu’il instaure un titre de l’Union européenne qui sera protégé sur le territoire des États membres de l’Union européenne. Il devra toutefois coexister avec les autres fondements préexistants (concurrence ; consommation ; autres droits de propriété intellectuelle) qui peuvent connaître des disparités nationales.

Le colloque a eu pour objectif de rassembler les universitaires et les praticiens spécialistes de ces sujets, français et originaires d’autres États de l’UE (Portugal, Espagne, Italie…) et d’y associer les représentants de la Commission UE, les offices et les représentants des IGPIA françaises existantes pour prendre la mesure de l’uniformisation au regard des dispositions nationales existantes.

Le colloque était sous la direction scientifique de Romain Bouniol, maître de conférences, vice-doyen de la faculté de droit et des sciences économiques, UPVD et de Sylvain Chatry, maître de conférences HDR, vice-président Stratégie numérique, UPVD.

Colloque sur les Indications Géographiques

Jeudi 21 novembre 2024, Université de Perpignan, Amphi 5, 9h15.

Intervention de Gilles Desaphy, Président de la Confrérie « Le Grenat de Perpignan »

Bonjour à tous, je suis Gilles Desaphy, Président de la Confrérie « Le Grenat de Perpignan ».

Notre Confrérie « Le Grenat de Perpignan » est un groupement d’artisans créé à la fin des années 1980. Elle fait partie du Syndicat des bijoutiers des Pyrénées-Orientales. La Chambre des Métiers et de l’Artisanat, l’Union des Entreprises de Proximité, le Syndicat des bijoutiers des Pyrénées-Orientales sont les structures hiérarchiques qui chapotent la Confrérie du Grenat de Perpignan.

Notre spécialité est le bijou identitaire de l’aire culturelle catalane en France, c’est-à-dire le département des Pyrénées-Orientales.

Ce bijou en Grenat devient la spécialité de la ville de Perpignan au Second Empire.

Dans les années 1980, il est en perte de vitesse, d’où la motivation des fabricants à se fédérer.

Notre Confrérie, créé en 1990, choisit alors trois pistes d’action :

  1. La préservation de la technique ancestrale de fabrication avec un premier cahier des charges,
  2. Le renouvellement des lignes de nos bijoux.
  3. Le rajeunissement de l’image de nos bijoux par de nombreuses campagnes de publicités

En 2006, l’historien Laurent Fonquernie publie l’ouvrage « Grenat de Perpignan, bijoux du Roussillon », 200 pages issues d’un travail de plusieurs années.

Il créé aussi l’Institut du Grenat en 2010, dont le but est d’inventorier les typologies de ces bijoux et de collecter la mémoire de ceux qui les ont fabriqués. La divulgation se fait au moyen du site Internet Institutdugrenat.com

Dès sa création l’Institut travaille avec les bijoutiers traditionnels.

Très vite le Syndicat, la Confrérie et l’Institut créent le Collectif du Grenat de Perpignan. Ils vont ensemble anticiper la mise en place de l’Indication Géographique.

Les membres de la Confrérie comprennent qu’il faut différencier les bijoux réalisés localement et dans le respect de règles précises, de ceux qui peuvent :

  • Soit provenir d’autres zones de production,
  • Soit de bijoux fabriqués localement mais selon des techniques semi-industrielles.

Dès que le dossier IG est disponible, nous le complétons sous les recommandations de madame Audrey Aubard. Le cahier des charges est minutieusement élaboré par les bijoutiers eux-mêmes. L’Institut du Grenat contribue à la partie du dossier qui prouve l’ancrage historique de ce bijou.

A ses débuts, les porteurs du projet s’adressent à l’ensemble des bijoutiers du département des Pyrénées-Orientales réalisant des bijoux en Grenat, quel que soit leur technique de fabrication.

Hormis les membres de la Confrérie, peu répondent à l’invitation. Un artisan indépendant de la Confrérie ainsi qu’un établissement semi-industriel faisant des bijoux par moulage s’intègrent au projet.

Dans les derniers mois du processus, la validation du dossier dans son ensemble va être contrariée par le patron de l’établissement semi-industriel. Celui-ci se rétracte au dernier moment et envoie trois ou quatre pages d’arguments contradictoires à l’INPI, pour tenter d’empêcher le processus d’aboutir.

L’IG est homologuée malgré tout le 23 novembre 2018. Le Syndicat des Bijoutiers des Pyrénées-Orientales devient l’Organisme de Défense et de Gestion (ODG) de l’Indication Géographique “Grenat de Perpignan”. C’est alors la 5ième IG, première IG accordée en Région Occitanie et la seule jusqu’à présent dans la catégorie « bijouterie ».

Le contrôle des bijoux pouvant prétendre à l’IG a été difficile à régler. Les organismes certificateurs habituels ne sont pas familiarisés avec la bijouterie, l’organisme qui est lié aux métaux précieux n’est pas certifié pour les IG.

C’est finalement Certipaq qui a été choisi pour effectuer un contrôle chez chaque producteur tous les deux ans.

Aujourd’hui l’IG Grenat de Perpignan regroupe 10 Petites Entreprises sur tout le département du 66.

Cette filière emploie une quarantaine de personnes et réalise un chiffre d’affaires annuel d’environ 1,5 million d’euros.

La protection par l’IG étant acquise, en resserrant nos liens nous sommes passé à une nouvelle phase : accroitre la notoriété de nos bijoux.

Le projet d’exposition permanente, lancé par l’Institut du Grenat dès sa création, va ouvrir un an après l’IG, avec le soutien actif du Collectif.

Elle devient l’une des priorités du Conseil Départemental des Pyrénées-Orientales grâce à l’obtention de l’IG. L’exposition est totalement financée par cette Institution.

Elle permet de présenter scientifiquement l’histoire et la technique de notre artisanat.

C’est un espace unique en son genre en France. Il est accueilli au sein du Palais des rois de Majorque. Nous irons ensemble le visiter ce soir.

Les bijoutiers de l’ODG vont aussi se doter d’un site Internet de vente présentant les bijoux « Indication Géographique ». Ce site est un outil indispensable si l’on veut atteindre la clientèle nationale.

Les bijoutiers IG resserrent ainsi les rangs entre-eux.

Cette année, la Région Occitanie et son Service de l’Inventaire publie dans la collection Focus Patrimoine « Le Grenat de Perpignan, un savoir-faire d’exception pour le bijou catalan ».

Cette publication « tout public » comprend les textes des panneaux de l’exposition du Palais des rois de Majorque, assortie des photos de bijoux et documents. Nous vous la remettrons en cadeau dans la pochette Indication Géographique « Grenat de Perpignan ».

Au bout de seulement 5 ans, le bilan de l’Indication Géographique « Grenat de Perpignan » est peu aisé à quantifier à cause de la structure chaque fois différente de nos adhérents. Nous n’en tirons que du positif, que ce soit au niveau économique qu’au niveau associatif et du marketing. Cela a renforcé notre cohésion.

Nous espérons qu’il sera progressivement de plus en plus positif car il peut seul garantir un avenir à notre savoir-faire. Celui-ci est rare et ne s’apprend qu’en atelier.

Pour notre part, l’IG a été un lien supplémentaire entre les bijoutiers qui se sont fédérés autour d’elle. Grâce à l’IG un soutien plus fort est ressenti de la part du Conseil départemental, de la Ville de Perpignan, des Chambre régionale et départementale des Métiers et de l’Artisanat ainsi que de Francéclat (comité professionnel de développement économique au service des secteurs de l’horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie, de l’orfèvrerie et des arts de la table). Financé par la taxe sur les ventes d’articles de bijouterie, il est régi par la loi du 22 juin 1978 qui a institué les comités professionnels de développement économique).

Tout un travail d’information reste à faire. Dans notre département, les productions « non IG » de bijoux en grenats sont encore très présentes.

Elles bénéficient, et c’est un comble, de la communication autour de l’IG, alors qu’elles devraient en pâtir. Car les consommateurs ne savent pas encore la signification exacte de l’homologation et continuent à acheter indifféremment bijoux IG et bijoux non-homologués.

De plus, malgré l’antériorité historique du vocable « Grenat de Perpignan », le terme général de « grenat catalan » s’est imposé dans la culture locale. Cela amoindrie l’effet Indication Géographique.

On peut aussi noter au niveau national des différences de notoriété entre chacune des Indications Géographiques.

Le couteau de Laguiole est reconnu par tout un chacun, alors que le bijou en Grenat de Perpignan demeure peu connu de la plupart des gens dès que l’on s’éloigne du Pays catalan.

C’est un aspect à intégrer dans vos futures réflexions. Des campagnes nationales d’information sur ce que représente l’Indication Géographique en général serait un grand pas.

Il serait peut-être utile d’aider certains Organismes de Défense et de Gestion gérant des Indications Géographiques de faible notoriété. Cela leur permettrait d’atteindre un niveau de réputation identique aux autres.

Le bijou en Grenat de Perpignan IG par exemple ne pourra se développer sans l’aide des pouvoirs publics.

Le développement des ventes est certainement l’avenir de notre métier et permettrait de pérenniser notre savoir-faire !

Passer du niveau local au niveau national est notre cheval de bataille. Cela demande à l’heure actuelle un effort humain et financier qui, nous l’espérons, sera à notre portée à l’avenir.

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