« Prades, comme son nom l’indique est d’abord une prairie, un lieu de fraicheur, de verdure et d’abondance végétale. Sous le dôme de ses platanes, au bruit de ses fontaines, elle s’accoude paresseusement sur la terrasse de ses vieilles murailles espagnoles, à l’abri des formidables escarpements du Canigou qui domine tout son horizon. Comment rendre le charme estival de Prades, charme fait de beaux ombrages et d’eaux murmurantes, des tendres nuances de ses montagnes, nuances qui ne se perçoivent que là, à tel point que Prades symbolise pour moi toute la couleur pyrénéenne orientale ? Féérie lumineuse, ou passent de lilas et des mauves, ou s’attardent des violets sombres qui veloutent suavement tout le paysage crépusculaire….. »
Louis Bertran, Font Romeu, 1931.
Introduction
De 1804 à nos jours, la maison Quès puis Quès-Calvet et enfin Calvet représente l’art de la bijouterie et de l’horlogerie à Prades, capitale du Conflent, sous-préfecture des Pyrénées Orientales.
Grâce à cette courte étude, cette lignée d’orfèvres-bijoutiers commence dès lors à retrouver sa personnalité et son importance au fur et à mesure des découvertes documentaires et de l’enquête menée auprès des descendants.
Cette histoire inédite a pour ambition de faire connaître l’importance de la bijouterie à Prades et sa région et de redonner son histoire à l’établissement actuel, histoire qu’il convenait enfin de redécouvrir.
On peut diviser l’histoire de la bijouterie Calvet en trois périodes assujetties à des évènements différents : L’héritage Quès de 1804 à 1921, la transmission aux Calvet de 1921 à 1991, et enfin la bijouterie Calvet de 1991 à aujourd’hui.
Sources
Les sources documentaires qui éclairent la bijouterie à Prades et principalement de la maison Quès-Calvet sont dispersées entre le Conflent et Perpignan.
Les registres paroissiaux des archives municipales de Prades livrent essentiellement la généalogie et parfois l’environnement familial et social de ces orfèvres. Ils ont été consultés aux Archives départementales des Pyrénées–Orientales tout comme les registres d’état civil en mairie.
Les études notariales 3 E 47 (de Lacroix 1845-1887), 3 E 47 (Roca 1880-1921) et 3 E 85 (Barrère, 1893-1919) aux Archives départementales des Pyrénées–Orientales, ainsi que les actes conservés à l‘étude de maitre Janer de Prades révèlent l’assise foncière et sociale de cette famille et de ses proches. A Prades l’étude notariale offre quelques renseignements indispensables pour retracer l’acquisition des biens, les alliances matrimoniales et la constitution de sociétés dans les dernières décennies.
Une partie de la correspondance, des photographies et des livres de comptes sont conservés dans le fonds familial de l’actuel bijoutier. On notera 4 livres comptables et un brouillon de lettres, pouvant donner lieu à une étude très approfondie du fonctionnement de cette bijouterie à la fin du XIXe et au début du XXe siècle ; des factures éparses et quelques livres imprimés sur la bijouterie, les poinçons et l’horlogerie sont en grande partie présentés à l’étage, ils ont aussi servi à l’étude.
Première partie : L’héritage Quès
Chapitre premier : Prades, une cité favorable aux orfèvres
A la fin du XVIIIe s., lorsque nait François Quès, Prades est une cité riche, qui prends totalement le pas sur la capitale militaire et administrative qu’est Villefranche de Conflent. C’est une ville ceinturée de remparts, avec une église et plusieurs chapelles, un couvent de capucins, quelques familles nobles résidant dans d’imposants hôtels particuliers autour de la place centrale, tout concours à faire de cette cité le centre économique de la vallée. Une activité proto-industrielle ; ou l’on retrouve les productions typiquement catalanes de draps de laine, de cuirs et de fers ; font de Prades un centre commercial évident. La présence d’une bourgeoisie ne pourrait que donner les possibilités à un orfèvre de s’installer. Toutefois aucun orfèvre connu ne s’établit ici, il faudra attendre le changement de siècle pour que les conditions soient trouvées à l’établissement de cette activité dans la ville. Toutefois, avant la Révolution, une importante cérémonie avait lieu à Prades autour de Saint Eloi, patron des orfèvres. Il s’agissait de l’élection des consuls. « C’est le 24 juin que se faisait l’extraction, cérémonie consacrée à la désignation des 3 consuls, un pour chaque main ou ordre social. Un enfant de 9 ou 10 ans devait retirer de chacun des sacs ou caisses les petites boules contenant le nom du consul ainsi désigné…Puis les nouveaux consuls en grand costume se rendaient à l’église saint Pierre pour prêter serment devant le viguier du Conflent, en la chapelle saint Eloi.
Dans chacune des cités ou un culte était réservé au saint patron des orfèvres, les consuls avaient convenu de venir prêter serment dans le saint lieu consacré à ce culte. Ils se mettaient ainsi sous l’efficace protection du grand saint qui fut aussi un grand administrateur, sage, clairvoyant et pondéré et qui illustra le règne de Dagobert dont il fut le ministre écouté. »
C’est donc dans ce contexte que nait Ignace François Quès le 27 juillet 1782, fils d’un propriétaire et négociant nommé François Quès, qui se marie avec Anne Blanc, fille de Jean Blanc négociant et d’Anne Chauvet tous deux de Prades. Ce sera lui le premier orfèvre de la lignée. Son père François Quès est un notable, qualifié de bourgeois au décès de son épouse, lui-même fils d’un riche droguiste, Bernard Quès et de Raphaëlle Boher. Il a une seur, Lucie qui se marie pendant la Révolution, le 1 février 1791, à Louis Benoit, contrôleur des actes de la ville de Prades. Leur père François Quès est alors un « citoyen actif (1790), c’est-à-dire qu’il dispose d’une fortune assez imposante lui permettant d’accéder à des postes administratifs. Il était ainsi secrétaire de l’administration du district de Prades, receveur des consignations et commissaire aux saisies réelles en 1793.
Le jeune François Quès ne semblait pas prédisposé à devenir orfèvre. Sa première formation reste encore mal documentée, il n’a pas connu sa mère, décédée alors qu’il est enfant. Toutefois, son père occupant une position importante dans la cité a pu l’orienter vers la formation d’orfèvrerie, probablement auprès du corps constitué et très ancien des orfèvres de Perpignan. A Prades même, la Révolution met un temps à mal le commerce local, avec le départ de familles les plus riches pour l’immigration, mais la redistribution des terres et des industries estompe rapidement cette situation de crise et développe un nouveau essor économique. En 1790, la ville devient chef-lieu d’arrondissement, possède enfin un tribunal. Elle est enfin une ville au vrai sens du terme.
Chapitre II : François Quès (1782-1855) : l’orfèvre
La première moitié du XIXe siècle
La période napoléonienne permet un retour à une situation économique favorable à l’activité de plusieurs orfèvres à Prades. La ville est le siège de la sous-préfecture, ce qui génère une activité administrative drainant en plus des jours de marché à Prades les populations du canton. La préfecture génère aussi un personnel non négligeable de fonctionnaires.
Dès 1800, la majeure partie des familles nobles retournent dans leurs anciennes propriétés et assurent une clientèle qui aspire à retrouver ses marques et ses anciennes habitudes. Une école est crée sous forme de petit séminaire. L’économie retrouve une certaine stabilité notamment le secteur métallurgique, avec le développement des mines de fer à Fillols, ainsi que l’extraction dès 1806 de lignite à Estavar. A cette époque il existe un orfèvre du nom de Joseph Witt installé à Prades dès 1800 ou 1808. Mais l’influence et les rapports de ce personnage sur le jeune François Quès restent encore flous. En 1802 le Concordat permet aussi à beaucoup de prêtres de revenir eux aussi d’immigration. Un renouveau de l’orfèvrerie religieuse va apporter aux orfèvres des commandes de pièces importantes comme calices, reliquaires et ostensoirs. On connaît ainsi une croix reliquaire de l’orfèvre pradéen Joseph Witt, d’autres pièces restent à découvrir.
Si l’évolution de son entourage familial joue certainement un rôle déterminant, la tradition familiale propose la date de 1804 comme date fondatrice de l’atelier d’orfèvre de François Quès à Prades. Cette période est en effet favorable à la création de toute sorte d’activité, la Révolution ayant mis un terme aux corporations, et l’Empire ayant pris des mesures favorables au redressement de l’économie.
Son installation est donc peu connue, en 1804, François Quès avait 24 ans. Le jeune homme participe probablement au renouveau de l’orfèvrerie religieuse dans un Conflent qui a perdu lors de la Révolution Française son argenterie votive. Les outils conservés à l’atelier et redécouverts récemment semblent en effet prouver qu’il travaillait sur de grandes pièces moulées en argent. Il a pu très certainement concevoir des pièces d’orfèvrerie civiles. En 1814 il se marie avec Rose Mas de Marquixanes, village à l’est de Prades.
Les Restaurations :
En 1814, c’est l’abdication de l’Empereur et l’on accueille avec joie le Duc d’Angoulême à Perpignan, symbole de l’avènement d’un nouveau pouvoir des Bourbons. On trouve pour la première fois François Quès mentionné comme orfèvre en 1815 date à laquelle il fait enregistrer son poinçon sur le registre des insculpations. Dans la documentation de ces années, se dessine donc un orfèvre consciencieux et respectueux de la législation. C’est aussi à cette date en 1815 que nait chez les Quès un fils, Louis Augustin Joseph qui va devenir lui aussi orfèvre. Un autre frère deviendra huissier (il est présent au mariage de Louis en 1848).
C’est la période de la Restauration, qui se caractérise par le retour d’une croissance démographique importante. C’est aussi l’arrivée des premières mécaniques dans la filature Boixo, marquant en Conflent les balbutiements de la révolution industrielle. Le secteur des forges est aussi en augmentation, les améliorations techniques permettent désormais de produire du fer laminé.
Le secteur de Prades est aussi l’objet de cures à Molitg et Vernet les Bains, créant une activité de passage sur la ville, lors des changements de diligences.
Prades suit le mouvement général d’embellissement des villes françaises en plantant une promenade de platanes et en aménageant sa place centrale. Le gout du style Empire perdure pendant plusieurs décennies, en architecture comme en orfèvrerie.
Un calme relatif et un ordre pesant caractérisent le climat de l’époque. En 1816, l’inauguration du buste du roi donne lieu à une grande fête villageoise ou sont scandés : « Vive le roi, vivent les Bourbons ! ». Toutefois un citoyen est arrêté pour avoir crié en réponse : « Je n’ai jamais crié vive le roi et je ne le crierai jamais ! » prouvant qu’il existe alors un sentiment de contestation auprès de la population qui était restée fidèle à l’esprit de la Révolution et qui voyait s’abattre même dans les campagnes l’ordre qui avait été aboli quelques années auparavant.
François Quès est témoin en 1822 au mariage à Prades d’un cordonnier, proche parent ou voisin. La ville est composée d’un nombre très important de petits métiers qui forment un ensemble social urbain homogène que l’église essaye de cimenter. La Révolution de 1830 est bien accueillie. De plus en plus d’artisans et de paysans aisés sont gagnés aux idées républicaines. La monarchie de Juillet met en place Louis Philippe comme roi des Français. Les Ultras majoritaires imposent la censure de la presse et le retour de la religion catholique dans la vie publique. Les maires successifs de Prades et le sous-préfet vont localement lutter contre tout signe d’opposition. La répression s’abat sur les républicains et d’une manière générale sur tous les troubleurs d’ordre. Lors de l’inauguration cette fois du buste de Louis Philippe en 1831, une lettre anonyme adressée au maire indique bien la césure entre la riche bourgeoisie commerçante et industrielle qui s’est liée d’attaches matrimoniales avec l’ancienne noblesse et le reste du peuple : « Si les propriétaires continuent à donner du travail aux étrangers, plusieurs maisons peintes en jaune le seront en rouge, la population de Prades est fatiguée de l’influence des gens à chapeau, le temps de secouer le joug a sonné… »
Ces années 1830, suivant la loi Guizot de 1833 commencent à s’ouvrir dans chaque commune des écoles, ce qui va être malgré le contrôle des clercs un signe d’ouverture sociale, le petit séminaire faisant office de collège est dirigé par des religieux. Il accueille les plus grands, choisi parmi la classe dirigeante. Le bienfait des eaux de Molitg, Vernet, Thuès est reconnu médicalement grâce à la publication du docteur Joseph Anglada en 1833, entrainant quelques réaménagements des établissements et des moyens de transport pour s’y rendre. Prades reste le lieu d’arrêt des diligences, et le thermalisme se structure et la création d’un établissement de bains douche démontre les préoccupations d’hygiène qui gagnent l’ensemble de la population.
Survient la Révolution de 1848. François Arago devient une notoriété nationale. le club des Amis du Peuple est créé à Prades. On assiste à la plantation d’un arbre de la Liberté sur la place de Prades. Toutefois, l’écrasement de la Commune permet un recentrage de centre de gravité, qui passe de la capitale ou de la ville en général à la campagne. Les choix électoraux de la France paysanne assoient toutefois la position dominante des notables et de l’Eglise.
Arrivé à Prades en 1833, un nouvel orfèvre, Michel Barate, né à Sorède en 1802, sera un ardent républicain, victime plusieurs fois de la justice car “professant les opinions socialistes les plus avancées”. Il est arrêté avec d’autres pradéens : Joseph Serres, Pierre Avillac et Joseph Bourguet. En effet il est jugé dans une affaire concernant des républicains de Prades, déférés aux assises pour avoir manifesté le 24 février 1850, désireux qu’ils étaient de célébrer l’anniversaire de la seconde république. Il est qualifié ainsi : “professant les opinions socialistes les plus avancées”. Il sera aussi jugé en 1851 et 1858. A cette date il est condamné par le tribunal de Céret pour sédition contre le gouvernement.
Ibrahim-Pacha, fils ou fils adoptif de Méhémet-Ali, vice-roi d’Egypte, souffrant fut conseillé par Claude-François Lallemand, médecin originaire de Montpellier, a aller « prendre les eaux » à Vernet-les-Bains. Il y séjourna avec sa suite de janvier à février 1846. Cela allait faire de la station un lieu privilégié de villégiature de la haute société.
Le 7 novembre 1848, Louis Quès épouse à 33 ans Marguerite Sala, qui était native de Tortella en Catalogne le 7 septembre 1825. Elle est la fille du marchand Joseph Sala et de Marie Carmimola. Tortella est un village situé ente Besalu et Castellfullit de la Roca (province de la Garotxa).
Le 25 avril 1855, le bijoutier François Quès décède à Prades à l’âge de 72 ans. Louis Quès son fils peut exercer pleinement sa profession.
Chapitre III : Louis Quès (1815-1855 à 1889) : le tireur d’or
Prades entre dans le Second empire avec beaucoup d’entrain. On notera l’arrivée du Chemin de fer en 1877, et l’industrialisation du secteur de la métallurgie avec les hauts fourneaux de Ria, (premiers hauts fourneaux dans le département, impulsés par le maitre de forges Rémy Jacomy et Jacob Holtzer, fabricant d’aciers à Unieux. Celui-ci inclut à ses nombreuses sociétés la mine de Fillols qui alimente de 1862 à 1867 les hauts fourneaux établis sur le site de La Nouvelle et surtout les mines d’Escaro, de Thorent et de Sahorre qui alimenteront les hauts fourneaux de Ria. Après la dissolution de la société, la mine de Fillols, convoitée par les Anglais, les Français et les Belges, est finalement adjugée le 17 avril 1873 à Simon Philippart, industriel belge, pour 2,110 millions de francs, prouvant l’intérêt international des richesses du sous sols des Pyrénées-Orientales à cette époque.
D’autre part il est aussi intéressant de noter le développement du tourisme thermal à Vernet les bains et Molitg…..Toute cette activité économique profite pleinement au commerce pradéen.
La ville se transforme après 1850. Industrie et thermalisme permettent l’émergence d’une nouvelle bourgeoisie avide de paraître. Les femmes du Conflent se font plus coquètes, et il n’est pas rare de voir désormais apparaître les crinolines, les ombrelles assorties et les parures empierrées de formes recherchées. Ce sont elles et leurs maris qui viennent effectuer achats et réparation de bijoux ou de montres auprès de Louis Quès et de ses confrères installés dans les rues les plus commerçantes de Prades. Les Quès sont situés rue des marchands, les Barate et Patuel rue du palais de Justice.
Louis Quès se marié en 1848. En 1852, il déclare la naissance de son fils Joseph. Il se déclare professionnellement comme tireur d’or.
Il s’agit d’un métier rare : le tireur d’or et d’argent est un artisan qui se livre à différentes manipulations, comme l’affinage par la fonte du métal, sa réduction en lingots, puis l’aprimage avec l’aide d’un banc à tirer, qui fait passer de force à travers les pertuis ou trous ronds & polis de plusieurs sortes de filières de plus en plus petites, et qui le réduit par ce moyen en filets très longs et très fins, que l’on nomme fil d’or ou d’argent, ou or ou argent trait. Son fils Joseph commence certainement a apprendre le métier dans l’atelier de son père. Celui-ci décède en 1889, le 11 avril, âgé de 73 ans, veuf. A 37 ans Joseph reprends l’atelier, situé toujours rue des Marchands.
Chapitre IV : Joseph Quès (1850-1889-1915) : le bijoutier
La période qui court de 1870 à 1914 est marquée par l’apparition de la bijouterie du Grenat en Roussillon. Cette période de prospérité a obligé l’orfèvre-bijoutier à s’adapter à cette nouvelle production répondant à une forte demande. Il fait venir des parures imposantes des ateliers de Perpignan, comme le prouvent certaines factures à la fin de sa vie. Il a un frère, François Quès, qui travaille au Chemin de Fer et vivra en retraite à Bordeaux.
Le 18 juillet 1883, le bijoutier François Quès épouse Marie Anne Belaygue. Elle est native de Figeac dans le Lot, fille d’un appareilleur. Ils en profitent le jour du mariage pour faire reconnaître une fille Louise née sans père reconnu le 4 février 1874. La famille de la mariée, bien qu’étrangère au département, a une positon intéressante probablement au sein d’un des chantiers alors en place dans le Conflent. En effet, dans les chantiers d’ouvrages traditionnels en pierre, l’appareilleur était chargé de la réalisation des épures à l’échelle de l’appareillage selon la commande passée. Il devait ensuite en tirer un dessin grandeur nature qu’il rapportait sur des gabarits à l’aide d’un compas. L’appareilleur établissait également les commandes de pierres, en contrôlait le façonnage, procédait à leur marquage, il repérait les blocs selon leurs qualités et leurs formes avant de distribuer le travail aux tailleurs de pierre. Le père de Marie Anne Belaygue travaille très probablement à la construction du chemin de fer de Prades à Latour de Carol, qui demanda une grande et longue série d’ouvrages d’art.
Une grande activité technique et industrieuse anime le secteur de Prades et du Conflent, favorable à l’établissement d’une petite et moyenne bourgeoisie. Cette agitation n’empêche pas les retraités de rechercher une villégiature confortable et un climat chaud et sain pour leurs vieux jours, comme le philosophe Charles Renouvier (1815-1903).
Le registre d’inscription des raccommodages, ou réparations, commencé en 1882 et achevé en 1917 est un document exceptionnel qui permet de se représenter une partie de l’activité de Joseph Quès ainsi que de sa clientèle. Une grande partie des objets portés en réparation sont des montres, ce qui confirme la place e l’horlogerie à cette époque chez les bijoutiers. Pour ce qui est de la bijouterie, on notera l’importance des bijoux en argent, fragiles et des bijoux en serti clos. En 1893, Il est noté : « Changé la feuille rouge à une paire de dormeuses en or montées avec une pierre topaze du brésil, à madame Clerc de Prades. » C’est la première mention de « Brésils », autre bijou typique de la production des bijoutiers roussillonnais au XIXe s.
Le grenat est omniprésent : boche médaillon en or montée avec grenats fins et deux perles fines, , broche en grenat forme étoile double, une paire de pendants badine batarde en grenat faux dormeuse et pendeloque, une dormeuse en or avec un grenat faux pour débosseler et une dormeuse grenat pour y mettre une goupille, une dormeuse forme marquise en or monté avec 19 grenats, deux bagues en or l’une en grenat forme marquise pour y mettre deux petits grenats fins, une bague en or pour y faire un trèfle avec pierres grenats, …On notera la différenciation entre grenat fins et grenats faux, probablement taillés dans du verre coloré. A cette époque, les bijoutiers catalans montent ce type de bijoux moins onéreux à la clientèle, en toute connaissance de cause : « une bague en or pour y mettre une pierre en grenat faux »
En 1900, le registre des réparations n’enregistre plus que des montres. Un registre spécifique a-t-il été ouvert et s’est il perdu ? Les réparations de bijoux ont pu un temps être confiées à d’autres bijoutiers de Prades ou de Perpignan ? En novembre 1906 que les réparations de bijoux reprennent. On remonte des topazes, des similis, des pierres rouges, des grenats fins, des chaines de jaseron, on ressoude des bijoux en argent…une épingle à cravate en or quadrille 5 grenats, une croix badine en or pour remplacer les pierres par des grenats fins de madame Bezard-Falgas de Latour de Carol….réparer une broche croissant en grenats fins de Mme Monnet à Perpignan…une bague en or marquise montée avec 7 grenats fins pour souder à plusieurs endroits de mlle Louise Cayre de Fuilla…
On trouve toute sorte de clientèle, du président du tribunal à l’instituteur de Vernet, du directeur de l’établissement thermal de Thuès à l’église de Prades (lunette d’argent d’ostensoir).
Les bijoutiers de Prades diversifient leurs échoppes en proposant toute sorte d’objets d’art, tel l’horloger Patuel, route nationale, qui en 1908 fait la promotion d’art indochinois, objets d’une mode importante. Ainsi leur clientèle peut diversifier ses achats.
Les épouses sont souvent employées à la boutique. Elles sont parfois inquiétés par une clientèle peu commune. Ainsi en 1908, un espagnol se présenta chez Mr Largeron, bijoutier route nationale. En l’absence de son mari, Mme Largeron reçut le visiteur qui lui demanda des balles pour révolver. Elle a réussi à la mettre dehors, toutefois très inquiète au cas ou cette personne détenait réellement une arme sur elle. Cette dernière alla chez Mr Sors, horloger rue des marchands afin de retenter sa chance. Les gendarmes finiront par arrêter l’homme, effectivement armé. Cette anecdote montre bien que les bijoutiers ou horlogers possèdent des boutiques diversifiées en toute sorte d’objets, bibelots, cristaux, phonographes, postes radio….
Deuxième partie :
la transmission des Quès aux Calvet
Chapitre premier : la bijouterie Quès pendant la 1re Guerre mondiale
Le 30 mai 1915, le décès de Joseph Quès laisse son épouse et sa fille Louise Françoise (1874-1940) héritières de la boutique en pleine guerre.
L’activité continue toutefois comme le prouvent les livres de comptes et quelques factures. On retrouve en boutique des soldats en convalescence dans l’hôpital temporaire ouvert dans l’ancien séminaire, des réfugiés, des épouses du personnel des haut fourneaux de Ria domiciliées à Unieux, et des bijoux toujours en grenats fins à la bourgeoisie de Prades, les jacomy, Noell, Faixe…
A cette période La maison Thubert frères et Massé et les bijoutiers Ruf et Charasse de Perpignan sont les principaux fournisseurs de bijoux en grenats fins de la maison Quès. C’est une maison reconnue et qui porte l’enseigne « Au vrai bijou de Perpignan », fabrique de bijoux grenat et topaze d’Aurillac.
Les approvisionnements en grenats sont très difficiles et la hausse des matières premières impose durant toute la guerre une hausse constante des prix. Afin de se renflouer, les dames Quès payent à Ruf en pierres diverses et balayures (c’est-à-dire copeaux d’or de fabrication). Les clients apportent aussi de vieux bijoux lorsqu’ils viennent faire leurs achats.
En 1919, la maison Quès travaille avec le bijoutier Battle de Perpignan et vends des bijoux en grenats d’Abdon Laviose, artisan qui s’installe à la capitale catalane rue Foch en 1918 sous l’enseigne des Mutilés de la Guerre. En effet il est un rescapé de l’atroce guerre qui verra disparaître une très grande partie de la jeunesse du département. La clientèle retrouve à nouveau le gout de la bijouterie. On notera parmi celle-ci un tonkinois, Mr Deing.
On trouve à cette date François Quès, fondateur du syndicat d’initiatives de Prades, président du chalet des Cortalets, secrétaire de la Croix Rouge et premier vice président de la Chambre patronale des bijoutiers, héritier par sa femme de la bijouterie Barate. Il était retraité de l’armée et marié à la fille adoptive de la fille de l’orfèvre barate, orfèvre républicain de Prades autour de 1850.
Chapitre II : L’importance du destin chez le menuisier Calvet
Joseph Calvet (1880-1962) est entrepreneur de menuiserie à Prades. Il est né le 11 septembre 1880. Ses parents sont Hyacinthe Calvet, et Rose Nicola. A 27 ans, il épouse à Taurinya Marie Thérèse Quès, de 23 ans, native elle aussi de Taurinya le 2 mars 1908. Ses parents sont alors décédés. Les cousins du marié sont aussi ses témoins, Albert Domenach, 28 ans, agent voyer et Gauderique Nicolau, 28 ans lui aussi propriétaire à Codalet.
Il va avoir deux fils. Le premier, André nait le 30 mai 1912 à Prades.
Joseph Calvet fait son service de mobilisation à la guerre de 14-18, en tant que sous lieutenant du 53e régiment de ligne basé à Pau dans les Basses-Pyrénées.
Après la guerre il a un second fils, Jean, né le 8 janvier 1920 à Prades. Marie Thérèse Calvet devait décéder le 19 aout 1920, laissant ses deux enfants en bas âge à charge.
Joseph Calvet épouse en secondes noces le 14 juin 1921 l’héritière de la bijouterie Quès, Louise Adèle Joséphine (1874- 1940). Le témoin du marié est son beau frère, Ceccaldi adjudant en retraite domicilié à Villefranche de Conflent. A son mariage, la bijouterie est tenue depuis 1916 par sa mère, veuve de Joseph Quès, Marie Anne Bellaygne et elle-même.
Marie Belaygue veuve Quès est à cette date qualifiée d’orfèvre car héritière de la boutique de son mari. Elle décède le 28 juin 1921.
L’entre deux guerres voit un nouvel essor de Prades
La bijouterie est à l’époque un secteur très important de l’économie départementale, avec de très nombreux bijoutiers installés partout de Perpignan à Bourg-Madame. Sous la présidence de son président Joseph Charpentier, Il y a une émulation et une grande « propagande » pour le bijou en grenats dans les différents organes de presse locale et nationale et les expositions (Coloniale de 31 et Internationale de 37). A Prades en 1934, les concurrents directs de la maison Quès-Calvet sont Joseph Quès, rue de Palais de Justice et Largeron situé route nationale.
Grâce à l’activité de propagande du syndicat d’initiative de Prades, créé en 1924, un nombre important de personnalités visitent Prades et les environs comme Rudyard Kipling (auteur du livre de la jungle) et la princesse de Battenberg (Belle-mère de la reine Élisabeth II). On pouvait lire dans « Les stations françaises » de 1933 sous la plume de son président Paul Vigué : « La petite ville, coquète et bien tenue, connaît une certaine animation. Le commerce y est prospère et bien achalandé. Les industries locales très actives (fabrique de chocolat, de meubles, d’espadrilles, céramiques d’art, bijouterie catalane)…/…de nombreux touristes séduits par le charme de Prades y ont élu domicile. »
Prades est une ville qui voit sa population augmenter tout comme augmente le nombre de touristes attirés par la nature préservée des pentes du Canigou ou les bienfaits des eaux thermales. Les grandes familles locales animent la vie sociale toute l’année et certains se distinguent comme Mr Lafabrègue qui fera un raid en Afrique noire ou bien Pierre Bardou-Job et Gustave Violet qui animent à Sant Marti au nord de la ville le rendez-vous des peintres et des sculpteurs de renom dans une somptueuse villa blanche servant aussi de fabrique de poteries artistiques. La ville s’embellit de décors en stucs du maçon peintre décorateur Henri Eyt. L’immeuble de la bijouterie lui-même propose sous sa corniche une frise d’entrelacs courant le long des façades.
Le travail du métal est à son apogée au niveau technique tant au pont de vue de la bijouterie, du fer forgé que du travail du cuivre. Dans ce domaine, la technique des incrustations coulées va véritablement révolutionner la dinanderie. Cette découverte va permettre un véritable âge d’or de la dinanderie à Prades dans ces années 1920-1930. Laurent Llaurensou (1899-1959), issu d’une famille de fabricants pradéen de gargoulettes en cuivre au début du siècle, est reconnu parmi les grands dinandiers art déco de son temps, ayant participé a toutes les expositions artistiques avec Dunand, Linossier et Paul Louis Mergier. Louise Quès devait décéder à 66 ans le 10 novembre 1940 à Perpignan.
Chapitre III : Le maintien de la bijouterie 1940-1962
Le nouveau couple Calvet espère former les deux fils aux deux activités développées par les deux branches familiales, André reprendrait la bijouterie et Jean la menuiserie.
André Calvet fait son apprentissage en horlogerie à l’école de Cluses en Haute Savoie. Cette école prestigieuse, fondée en 1848 se distingue par la qualité de l’enseignement prodigué aux élèves. Sa notoriété est internationale. De retour à Prades André Calvet épouse Marie Antoinette Bord. Toutefois, celui-ci devait décéder à 33 ans d’une maladie infectieuse (oreillons) le 23 juin 1945, dans son domicile de la rue des Marchands. Il laisse une veuve, Marie Antoinette Bord, qui n’aura pas d’enfants et ne se remariera pas.
Jean Calvet (1920-1991) est containt au STO (Service Travail obligatoire) et se trouve en Allemagne lorsque son frère décède. Il va alors revenir à Prades et remplacer son frère. Il doit changer de métier et passe de la menuiserie à la bijoutier-horlogerie. Joseph le père et Jean le fils, travaillent pour le surplus de commandes avec les fabricants de bijoux grenat de Perpignan. A trente ans, Jean se marie le 29 juin 1950 avec Francine Armangué, née à Carcassonne le 5 mars 1928. Elle est la fille d’un colonel de gendarmerie, résidant à Perpignan. On notera parmi les témoins du mariage la présence de Jacques Farran, chargé de cours à la faculté de sciences de Toulouse. En 1957, nait un premier enfant prénommé Jean Marie, suivi en 1960 d’un second, Jean Michel et d’une fille Elisabeth en 1961.
Est créé sous forme de S.A.R.L. les Etablissements Calvet et Fils, le 6 octobre 1958. Cette entreprise de joaillerie, bijouterie, horlogerie et orfèvrerie fabrique des bijoux avec comme spécialité indiquée les Grenats fins. La boutique vend aussi des cristaux, des porcelaines ainsi que tout autre article de décoration et du petit électroménager. En 1959, Joseph fait la donation du fonds de commerce en faveur de son fils Jean Louis. Joseph décède le 26 décembre 1962.
Après la seconde guerre mondiale se dessine une période d’abondance à l’orée des années 1960. On assiste à l’avènement du tourisme alors que les industries du bâtiment, de l’extraction minière et de la transformation des produits de la terre sont à leur apogée. Au niveau culturel, le Conseil Général fait restaurer quelques uns des sites les plus beaux du département comme l’abbaye saint Michel de Cuixa où sera célébré, après avoir eu lieu dans l’église de Prades, le festival de musique classique Pau Casals. Celui-ci décide en 1950 après un long silence de créer le festival de Prades qui est aujourd’hui une référence musicale internationale. Les époux Calvet côtoient le maître comme le prouve une émouvante photographie de famille.
La ville augmente démographiquement et le Conflent bénéficie de la vague des touristes estivaux, des retombées du thermalisme et de l’arrivée de main d’œuvre étrangère dans l’agriculture. Lors de cette période des trente glorieuses, Prades voit s’accroitre considérablement le nombre de bijouteries.
On notera les noms d’enseignes comme Grenor du bijoutier Villarmau, les noms de Largeron (issus d’une longue lignée d’horlogers), de Hartmann, de Quès-Barate, d’Abadie et de Patuel (spécialisé en Horlogerie uniquement). Il est surtout intéressant de noter l’activité du bijoutier Georges Lavaill (décédé en 2009) qui installe en 1957 un atelier important à Prades de fabrication de bijoux et de taille de pierre. Il louait son atelier à Joseph Calvet. Il va faire travailler jusqu’à 15 ouvriers pour fabriquer des bijoux en grenat et or et toute autre type de bijouterie pour les autres bijoutiers de la région. Au passage du général de Gaulle en visite en Andorre, le sous-préfet de Prades lui offrira une croix de Lorraine sortie de cet atelier. Georges Lavaill quittera Prades quelques années plus tard pour Nice et enfin Barcelone ou ce sera la consécration, il deviendra le fondeur officiel de œuvres de Salvador Dali.
Le bijou en grenat par manque de valorisation n’arrive pas à se renouveler. Les bijoutiers ont du mal à renouveler une ligne qui s’est démodée. La société pradéenne aspire à la modernité, et à la consommation de masse. L’ouverture de moyennes et grandes surfaces oblige l’arrêt de ventes de petit électroménager, partie non négligeable du négoce de la maison Calvet. En 1977 Jean Michel Calvet entre en apprentissage chez son père, une nouvelle ère commence.
Troisième partie : la Bijouterie Calvet aujourd’hui
Chapitre premier : Un nouvel élan
Jean Michel Calvet né le 23 mars 1960 va apprendre le métier auprès du bijoutier Llech de Perpignan qui possède un atelier sans boutique. Puis il sera formé chez son père à Prades.
En 1977, une société d’exploitation des établissements Calvet et Fils est constituée, dans le but d’acheter et vendre des articles de bijouterie horlogerie et orfèvrerie, mais aussi d’effectuer toutes les réparations se rattachant directement à ces articles. Cette société est constituée en SARL entre Jean Calvet et ses deux fils Jean-Marie âgé de 20 ans et Jean-Michel âgé de 17 ans.
Les deux fils Calvet travaillent avec leur père. Jean Michel épouse Marie-Christine Guisset (22/02/1955) en 1980.
Ils ont deux enfants, Catherine (08/04/1981) et Marc (12/10/1985).
Le 18 mars 1991 Jean Calvet décède. C’est cette année là que se constitue l’association du Grenat de Perpignan.
En effet en 1991, l’Association professionnelle « Le Grenat de Perpignan » est crée afin de donner une image de qualité à une production typiquement locale et qui nécessite un savoir faire artisanal. Avec l’aide de la Chambre des Métiers et du Ministère de l’Artisanat elle entre dans le cadre de la revalorisation des métiers d’art.
Le cahier des charges précise que le bijou doit être réalisé avec une pierre de taille rose, c’est à dire à fond plat horizontal. Entre la face plate de la pierre et le fond métallique du chaton, un paillon ou feuille d’argent est obligatoirement placé pour augmenter le reflet de la lumière au travers de la pierre. Le montage est effectué sur sertissure avec filet, sur fond soudé, avec griffes ouvragées ou non, ou serti clos sur la face visible du grenat. L’or est obligatoirement à 18 carats. Le client a ainsi la certitude d’acheter un produit de qualité qui respecte la tradition de la bijouterie catalane. La marque « Le Grenat de Perpignan »répond à un critère d’authenticité du savoir faire. En effet il n’est pas rare de voir alors sur le marché des bijoux en grenat soit fabriqués hors du département, soit montés à l’encontre de toute tradition locale : absence de fond et de paillon, montage du grenat sur argent, utilisation de chatons tout prêts, c’est à dire réalisés par moulage puis fonte à la cire perdue…Récemment l’association artisanale a décidé de former une confrérie du Grenat de Perpignan, renouant de la sorte au passé ancien et prestigieux de la bijouterie roussillonnaise.
Ayant toujours été syndiqué, Jean Michel Calvet adhérera en 2000 à l’association du Grenat de Perpignan. Il en est depuis l’un des principaux représentants. Il crée une nouvelle ligne sous la marque « les Grenatines» avec l’emploi de citrines ou Brésils et grenats, il dépose aussi de nombreux modèles comme les pendentifs Canigou, Saint Jean, Arche, en 2009. Il impose aussi un nouveau slogan pour son entreprise : la Griffe Catalane.
Chapitre II : Le désir de formation
Les bijoutiers roussillonnais forment de jeunes artisans qui pourront à leur tour perpétuer la tradition d’une bijouterie non dénuée d’innovations. La maison Calvet à l’heure actuelle est ambitieuse car elle procède à l’actualisation des modèles, et arrive à réaliser une vraie synthèse entre la tradition et l’innovation, entre le bijou identitaire et le style international.
Actuellement deux jeunes artisans travaillent à l’atelier : Romain Coubry, né en 1982 a fait un préapprentissage en bijouterie dès le classe de 4eme, puis un apprentissage CAP mention art du bijou à l’école de Nîmes. Après 2 ans de mention complémentaire à Muret, il termine par 2 autres années de CAP polisseur à Graulhet tout en travaillant chez Jean Michel Calvet. Il possède aussi un BEP force de vente (CFA) et travaille à temps plein à l’atelier à la fabrication de bijoux en grenat de Perpignan. C’est à sa demande, voulant apprendre la véritable fabrication du grenat de Perpignan, que Jean-Michel Calvet l’embauche au sein de son atelier.
Amandine Giraud, née en 1981, formée à l’école de bijouterie de Valence dans la Drôme pendant quatre ans, possède un CAP bijouterie et joaillerie. Elle travaille de suite en atelier, 1 an à Perpignan (Laviose) ou elle se perfectionne en travail du grenat. En 2002 elle choisit d’entrer à Prades chez Jean-Michel Calvet. Elle travaille également le grenat de Perpignan.
Au sein de l’atelier, il n’y a pas de morcellement dans la fabrication des bijoux. Chacun des artisans fabrique le bijou de A à Z dans une ambiance de partage des compétences et en recherchant l’excellence d’un travail de tradition. La création y est omniprésente.
Chapitre III : Le projet de valorisation
En 2000, Jean-Michel Calvet réorganise l’atelier et le magasin. En aménageant au premier étage une salle faisant office à la fois de petit musée d’entreprise, de salle audiovisuel, et d’atelier, la bijouterie du grenat peut alors aller à la rencontre du public touristique très nombreux et être expliquée à tous.
Sur Prades cette démarche se généralise avec un autre bijoutier qui crée lui aussi une salle d’accueil du public touristique, tout en organisant une production de série des bijoux en grenats. Prades reste un lieu de passage du flux touristique en été, avec les abbayes romanes, un patrimoine naturel exceptionnel, des stations thermales de renom et en étant l’unique porte d’entrée de l’espace montagnard catalan vers la Cerdagne. En 2003, l’atelier de l’étage est définitivement déplacé au rez-de-chaussée, cela afin d’agrandir l’espace musée et conférence, permettant toujours plus d’expliquer la spécificité de son entreprise et de la fabrication traditionnelle des bijoux en grenat et en brésil (citrines sur paillon rouge) qu’il défend.
En 2004, la CCI de Perpignan reconnaît la bijouterie au titre d’entreprise familiale centenaire, la bijouterie Calvet est en fait la plus ancienne bijouterie de province.
CONCLUSION : l’art de cultiver ses racines
Le travail de retour aux sources est désormais impulsé, cela afin de redonner sa place historique à la bijouterie artisanale Quès-Calvet dans l’histoire de Prades et de sa région, mais aussi au sein de l’histoire de la bijouterie des régions françaises.
Ce processus de valorisation doit permettre de démontrer le travail de fonds qu’effectue Jean Michel Calvet dans la reconnaissance du savoir-faire unique du bijou en Grenat de Perpignan, une bijouterie unique qui s’est développée puis maintenue jusqu’à aujourd’hui dans le département des Pyrénées-Orientales, un petit territoire de 450 000 habitants. Puisant son inspiration dans la bijouterie du serti clos sur paillon, il a travaillé à relancer une tradition annexe au grenat de Perpignan, celle du Brésil, une citrine très claire montée sur paillon rouge. Il démontre ainsi que les bijoux anciens du Roussillon sont une source inépuisable d’inspiration. Son attachement au style classique ne l’empêche pas de lancer de nouveaux modèles aux lignes contemporaines prêtes à satisfaire les gouts des jeunes générations.
Jean Michel Calvet est un artisan conscient de la valeur ajoutée que procure l’utilisation des méthodes anciennes traditionnelles, qui se sont transmises de générations en générations. Il est l’un des fleurons de l’artisanat du bijou régional et collabore au projet d’Institut du Grenat visant à valoriser l’histoire et la spécificité de la bijouterie artisanale en Grenat de Perpignan, ouvrant ses archives et participant à une action concertée de défense du geste traditionnel.
SOURCES:
Prades-Canigou, n°5, 5 juin 1933. article signé X.F., Ausseil, L., p.227;
ADPO, 1Pq81; ADPO, administration communale. Les platanes proviennent de la pépinière de Perpignan créée au XVIIIe s. par le comte de Mailly;
Anglada, J., Traité des eaux minérales et des établissements thermaux des Pyrénées Orientales, Paris, 1833.,
Le Réveil Libéral, 16 aout 1908,
Le Réveil Libéral, 13 dec 1908.,
Vialet, J., Histoire de Prades, 1959, p.156.
Annuaire Paris Bijou, 1934, p.134.J.O.
19 mars 1924 création du syndicat d’initiatives Prades-Canigou. Prades-Canigou, n°7, 30 juin 1933.
Registre de commerce 60 A 386 et registre des métiers 164 70 66.;
Lavaill G., Les genials escultures del divi Dali, 2006.;
” Une tradition séculaire pour le grenat de Perpignan, les modes passent, le style demeure “, l’Indépendant, jeudi 13 juillet 1995, p.3.