Aux XVII et XVIIIe siècles le bijou de parure n’est pas la seule production des orfèvres bijoutiers roussillonnais. Une grande partie du travail consistait à réaliser des bijoux de « vêture », ceux qui ont une utilité dans l’ajustement du costume. Hommes et femmes avaient besoin d’un certain nombre de ces productions.
Le Roussillonnais aisé porte l’habit à la française qui s’est généralisé à la fin du XVIIe siècle. Ce vêtement demande de nombreux accessoires généralement en métal, argent ou en or pour les plus riches, comme les boucles de ceinture, de jarretières, de souliers, les boutons pour les manchettes, le crochet pour la cravate.
Il est même probable que certaines fonctions rendaient obligatoires des bijoux de parure alors devenus “bijoux de parade”, comme nous le signale le testament de Jean Hubert, maître horloger à la rue des orfèvres : « …quant aux bijoux de parade comme croix de diamant, rosette de diamants, bague d’or à grosse pierre topaze, bague d’or à pierre cornaline, tabatière à portrait en émail à filets d’argents, le peu d’argenterie de table que je puis avoir, je veux que le tout soit vendu à sa valeur après mon décès pour payer les funérailles».
Autre exemple, en 1761, Dominique Izern se voit offrir pour son succès à l’examen de docteur en droit civil et canonique les insignes de cette profession, à savoir un anneau avec grenat et un chaperon. L’anneau (l’anell de granat) coûta la somme de 66 livres. Enfin, lors des évènements révolutionnaires, certains nobles dans leur fuite ont abandonné des bijoux de parade comme cette croix de Saint-Louis réquisitionnée chez l’émigré de Balanda-Puig dans son hôtel particulier de Perpignan.
Pour la femme, le plus courant des bijoux de vêture est le clavier qui, au XVII° siècle, est intégré à une ceinture, elle aussi d’argent : « una sinta de plata a la francesa ab son claver ».
Deux types de claviers coexistent au début du XVIIIe siècle, le claver-aguller et sa ceinture d’argent à la mode catalane ainsi que le crochet d’argent à la française. Il s’agit d’une pince qui s’ajuste au jupon et d’où pendent des chaînes pour accrocher les clefs du foyer ou bien les ciseaux de la ménagère.
Au début du XVIII° siècle cette pince ouvragée était encore intégrée ou assortie à une ceinture aux maillons très larges à l’exemple de celle du Musée des arts décoratifs à Paris. Le clavier est parfois accompagné d’un aguller, pouvant désigner un étui à aiguilles, ce que suggère un acte de 1730, « un clavier et une ceinture dit vulgairement aguller d’argent ». Les claviers sont pourtant bien distincts des agullers dans l’inventaire des biens de l’argenter Pierre Dameus.
L’argentier Codina reçoit commande pour le prix de 147 réals et 6 deniers d’un clavier d’argent, d’assigs ( ?), de chaînettes et d’un aguller le tout pesant 11 onces et demie. En 1684, les différentes pièces sont bien distinctes : « un aguller ab sa cadanilla, una sinta de plata ab malla, un claver de plata, un cisellet de plata ab set cascavells i una petita cadanilla de plata ».
On trouve le clavier représenté sur la gravure des costumes de la province de Roussillon en 1789. Il est seulement porté par la femme d’artisan, plus coquette et plus aisée que la paysanne. Les autres bijoux de la vêture féminine sont les aiguilles de tête servant à ajuster les coiffes, les boucles de souliers en argent ornées quelquefois de pierreries, l’aiguille ornée d’une pierre sertie qui sert à ajuster le fichu sur le corsage.
ADPO, 3E22/252 , testament et inventaire.
JAMPY, M., « Frais d’examen de Docteur en droit en 1761 », Revue historique et littéraire, 1927, n.77, p.92/94.
ADPO, 1Qp348.
ADPO, 3E1/5529, année 1691.
ADPO, 13Bp513, succession de Joseph Pons à Trouillas.
ADPO, 1J178/1, 1685.
ADPO, 3E22/2, fol.71, 10 mars 1653.
ADPO, 3E1/5728, inv. de Sébastien Barrera. « un aguller avec sa chaîne, une ceinture d’argent à mailles, un clavier d’argent, un petit ciseau d’argent avec sept grelots et une petite chaîne d’argent. »
ADPO, 3E1/6006, 1683, Jean Ranchoup.