Sur le visage rose où la lumière joue,
Tu mets un bouquet d’ombre au bord de chaque joue;
Et la fête d’amour qu’invite à célébrer
Ta grâce épanouie en un jardin léger,
Où sommeille sous l’herbe et parmi les ramures,
La nuit ou l’or des merveilleuses chevelures,
Donne au front de la femme un tel couronnement
Qu’on ne croit déjà plus au sourire qui ment
Et qu’on se laisse aller de tout son cœur crédule
A la fleur blanche où le frelon se dissimule…
Trame de fils menus, ô fragile réseau,
Qui ne pourrais peut-être arrêter un oiseau,
Tu captives l’amour aux plis de tes dentelles;
Ta puissance magique et tes vertus sont telles
Que, pour rompre ton charme et ta douce prison,
Il ne faut plus aimer l’âme du Roussillon.
Tu séduis le désir de l’homme au cœur volage,
Et le retiens longtemps dans ta petite cage;
Et le désir de l’homme y palpite vivant
Ainsi qu’un papillon dans une main d’enfant…
Mais par ces temps d’oubli, la douleur me pénètre
De te savoir déjà si près de disparaître.
Oh! Brille, brille encor sur l’horizon désert
Tant que j’aurai des yeux pour te suivre dans l’air;
Bel astre, n’éteins pas ta lumière divine;
O belle fleur, fleuris toujours sur la colline!…
Jean Amade, Le Bonnet catalan, Chants rustiques et oraisons, Paris, 1926, p.119.