La petite église
L’église est sobre, avec, au bout,
Le maître autel doré, qu’un cierge
Éclaire. L’on y voit, debout
Et qui sourit, la sainte Vierge.
Un ruban de moire lui sert
De ceinture, et sa robe blanche
Se mêle au criard manteau vert
Du Jésus assis sur sa manche.
Des vases bleus sont tout remplis
De fleurs à l’odeur de vanille,
La nappe d’autel fait des plis,
La veilleuse rouge vacille…
Dans l’ombre on voit l’étroit dos noir
De quelque vieille prosternée,
On entend l’angélus du soir,
Aussi on entend égrenée
La dizaine aux avés de buis
Cliquetant avec des médailles
Et ce sont de tout petits bruits…
Sur les vitraux peints, les batailles
De saint Louis, des Sarrasins ;
La chaire de bois est ornée
D’épis sculptés et de raisins…
Quand sa prière est terminée,
Une vieille femme, en tremblant,
Fait sa génuflexion, lente
Et part, petits pas en trottinant,
On entend la porte battante.
Elle a trempé d’un geste vif
Ses doigts jaunes dans l’eau bénite
Et s’en va dans le soir furtif…
Une chauve souris palpite
Dans les arceaux du cloître gris.
La vieille à la longue mémoire
Songe aux morts bercés par les cris,
Des grillons, et son hombre noire
Va disant encore un Ave,
Une goutte d’eau dans la ride
Du front. J’entends sur le pavé
Son pas lent dans le cloître vide…
Jeanne NEREL
Mercure de France, 1911.