la croix de Didier de Lombardie à Brescia (Italie).

img_4692img_4695La croix de Didier de Lombardie est une croix de procession qui était hissée sur un manche et portée à la main ou sur des chars lors des processions. Sur une âme en bois pour être plus légère et recouverte d’une feuille métallique dorée, selon la tradition, la croix fut donnée au monastère de San Salvatore et Santa Giulia par le roi lombard Didier qui, avec sa femme Ansa, l’avait aussi fondé entre 753 et 760.
Il s’agit d’une des plus grandes croix avec gemmes arrivées jusqu’à nous, elle en comprend plus de deux cent onze serties sur les quatre bras. Cas unique parmi les croix célèbres, elle présente le plus grand nombre de gemmes anciennes réutilisées, une cinquantaine environ, dont beaucoup provenant d’objets d’ornement précédents.img_4696

À l’intersection des bras, il y a deux grands médaillons où se détachent, sur le devant, le Christ sur le trône en relief, œuvre datée entre le IXe et le Xe siècle, entouré de quatre enluminures (Xe-XVIe siècle ap. J.-C.), et, au verso, le Christ crucifix, ajouté au XVIe siècle. Les pierres datant de l’époque impériale et de l’antiquité tardive se trouvent principalement sur le dos de la croix et leur grand nombre témoigne de la grande disponibilité de matériaux de haute qualité dérivant probablement des anciens trésors impériaux. Les pierres nous racontent de mythes et d’histoires fantastiques et quelques-unes d’entre elles sont particulièrement remarquables : un camée en sardonyx avec les Muses, et un avec Pégase, le cheval ailé et Bellérophon ; une calcédoine en deux couches avec le combat entre Hercule et Omphale, la reine de la Lydie ; un camée avec une Victoire couronnée de lauriers, très semblable à la Victoire ailée abritée dans ce musée ; un camée avec un aigle,aigle qui, à l’époque médiévale, était probablement interprété comme un symbole du Christ, et un onyx, avec le portrait d’une princesse julio-claudienne. Sur le devant, où priment au contraire les gemmes médiévales, tranche le célèbre médaillon émaillé, aux portraits à la feuille d’or datant de la seconde moitié du IIIe siècle ap. J.-C. : le médaillon montre un groupe de famille, une mère avec ses deux enfants, et l’inscription en caractères grecs se réfère probablement au chef de famille, Vunnerio Cerami.8-medaglione-vitreo
Les objets attribuables à l’époque du haut Moyen Âge constituent un ensemble très important car ils sont très nombreux, et probablement contemporains à la réalisation de la croix. Parmi eux, deux pseudo-camées à double couche (seconde moitié du VIIIe et IXe siècle ap. J.-C.) et dix-huit gemmes en pâte de verre décorées par moulage et fabriquées dans le même atelier sont d’une importance considérable. Des portraits rappelant le style classique priment sur ces dernières, déclinés dans les tonalités du bleu et du vert, couleur principale dans la décoration de la croix. Il est particulièrement frappant de constater que les sujets sacrés soient par contre absents.

img_4694Un portrait de Frédéric II de Suède et deux gemmes rarissimes comptent parmi d’autres raretés serties dans la croix « de Didier de Lombardie ». Le portrait remonte au XIIIe siècle ap. J.-C., alors que les deux gemmes sont le produit d’artisans de l’Europe du Nord, dont il n’y a que sept exemplaires en Italie, et sur ces sept, six se trouvent à Brescia : ce sont les célèbres gemmes de Alsen, dont deux sont incorporées dans la Croix de Didier et les quatre autres dans la Croix du Champ, conservée dans l’ancienne cathédrale.img_4698
Ce chef-d’œuvre de l’orfèvrerie du Haut Moyen Âge, datant presque sûrement de la seconde moitié du IXe siècle, se présente intact dans son ensemble, mais il a subi des arrangements et des changements continus dans le temps, probablement liés à son utilisation dans les processions. Nombre d’interventions ont été réalisées dont témoignent les nombreuses substitutions, telles que, par exemple, la remise en place en 1812 de dix-sept pierres pour substituer quelques gemmes « païennes » ôtées par les religieuses car pour ces dernières elles blessaient le sentiment chrétien.img_4699
La croix est située dans l’étage supérieur de l’Oratoire de Santa Maria in Solario, édifice datant de l’époque romane réservé aux fonctions liturgiques des religieuses, où le trésor du monastère était censé être conservé dans le passé. L’abbesse prenait la croix de cet endroit le vendredi saint pour la mettre dans le Chœur des Religieuses puis sur le Maître-autel de l’église de San Salvatore pour l’adoration.
La croix était encore exposée au sein de Santa Maria in Solario à la fin du XVIIIe siècle « sur un autel parmi de nombreuses torches enflammées », mais en 1798 le gouvernement de la République Cisalpine supprima l’ordre monastique et le trésor du monastère fut dispersé : une partie des objets de plus grande valeur (la Croix, l’Évangéliaire Pourpre et le Reliquaire) furent transférés à la Bibliothèque Queriniana, où la croix fut conservée jusqu’en 1882, après quoi elle fut déplacée au musée de l’ère chrétienne au sein de Santa Giulia, et plus tard dans la pinacothèque Tosio Martinengo. C’est seulement en 1993 que la Croix est enfin de retour au musée de Santa Giulia, et qu’elle retrouve son ancien emplacement.

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