Mutualité et syndicat ouvrier du Grenat de Perpignan au début du XXe siècle.

grenat5

Le temps d’apprentissage est au minimum de trois ans et peut durer jusqu’à sept ans. Dans ces conditions, les liens temporaires établis entre le patronat et la classe ouvrière nombreuse à la fin du XIXe siècle dans les ateliers de bijouterie de Perpignan sont amenés à perdurer. A la suite de ces relations prolongées, les véritables secours collectifs, organisés et durables, vont aller vers la mutualité.

En 1900 les bijoutiers et horlogers de Perpignan créent en effet une société de secours mutuels dénommée « l’Alliance ». Celle-ci a pour but de fournir les soins et les médicaments nécessaires à ses membres, de leur payer une indemnité maladie et enfin de pourvoir à leurs funérailles. La mutualité accompagne dès lors l’évolution de la profession et son importance s’accroît au cours de la première Guerre mondiale. Le plus souvent, les séquelles liées aux combats sont en effet irréversibles et exigent une véritable réadaptation professionnelle des victimes. Le secteur de la bijouterie offre désormais un cadre favorable à leur réinsertion.

A la fin de l’année 1915, à Paris, la première association mutuelle entre les mutilés de guerre voit le jour, à laquelle participe Paul Murat, célèbre créateur de bijoux de fantaisie. A Perpignan en 1917, un mutilé de guerre, Abdon Laviose s’installe pour sa part au 4 de la rue Foch dans un petit atelier où il travaille avec un apprenti. Il est à la fois bijoutier et horloger. En 1927, après avoir remporté le grand prix de l’exposition internationale de Montpellier, il ouvre une succursale à Thuir pendant quelques années. Spécialiste en réparation de montres et de bijouterie, Abdon Laviose se qualifie dans les années 1930 de « fabricant de bijouterie, or et pierres de couleur, spécialité de Bijoux Grenat ».yuyuyuu

D’autres amputés travaillent pour leur part dans l’atelier de Charpentier, ou encore celui de Augustin Colomer. Ces exemples illustrent l’importance désormais acquise par les mutilés de guerre, leur participation à l’essor économique des années 1920 et leur empreinte durable dans la vie sociale au cours des années 1930.

Nous ignorons l’existence d’un syndicat ouvrier au XIXe siècle. En tout état de cause, comme en de nombreux secteurs, c’est vers la fin de la première Guerre mondiale, que se constitue une Chambre syndicale des ouvriers et ouvrières bijoutiers, joailliers et horlogers du département des Pyrénées Orientales. Celle-ci est constituée le 16 septembre 1918. Symbole fort, ses statuts sont adoptés en assemblée générale le 11 novembre 1918, jour de l’Armistice.

Elle a pour but « de soutenir socialement ses membres et de garantir un juste prix pour leur travail ». Sont acceptés les patrons indépendants, même ceux ayant un apprenti ; à l’opposé, tout sociétaire devenu patron patenté en est exclu d’office. Cette disposition signifie dès lors qu’en raison de la guerre, la situation des petits patrons indépendants s’est détériorée : tout patron qui travaille « en chambre », c’est-à-dire sans boutique, avec ou sans apprenti, est désormais considéré comme ouvrier.frfrfrf

Le syndicat traite des questions de salaire, de réglementation et de salubrité des ateliers ainsi que de l’expertise du travail. Globalement, son conseil d’administration s’occupe de l’amélioration de la condition des membres adhérents. Le principal souci est alors de fournir du travail aux sociétaires, car le chômage s’est accru au cours et au sortir de la guerre. Le secrétaire en est Louis Montgon et le trésorier Abdon Laviose. La présence de ce dernier, nouveau venu et mutilé de guerre, témoigne finalement d’une prise de conscience des liens existant entre les questions de chômage, de santé et de défense salariale des ouvriers.

En définitive, patronat et employés marquent, chacun à leur mesure, le champ de l’histoire sociale. Leur présence se manifeste par un engagement non négligeable dans les responsabilités de leur temps, et leur influence mériterait sans doute encore d’être précisée. A titre de dernier exemple, de mémoire familiale, le bijoutier Joseph Charpentier s’implique dès les années 1950 dans le Comité départemental du tourisme, ainsi que dans son corollaire, l’Automobile Club des Pyrénées-Orientales. Mais il est aussi vice-président de la Croix-Rouge, et président de l’importante distillerie perpignanaise La Catalane.

Pour sa part, le bijoutier Robert Ducommun est président honoraire du Tribunal de commerce de Perpignan, chevalier de l’ordre national du mérite. Ce bref panorama d’une profession en prise avec les responsabilités locales demeure toutefois encore insuffisant, faute de sources, afin d’en démontrer l’importance sur la vie de la cité.

En effet, si les artisans bijoutiers occupent une place non négligeable dans l’histoire de la cité, de la province ou du département, l’objet de bijouterie façonné par leurs soins, le bijou lui-même, s’offre également au regard de l’historien. De fait, par son aspect, ses mutations et ses permanences, le produit de bijouterie devient à son tour, intrinsèquement, un véritable témoin de l’histoire.croixx

Ce contenu a été publié dans Bijouterie XXe s. roussillonnaise. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *