La coiffe catalane fut au centre de quelques polémiques qui semblent aujourd’hui anodines mais qui en disent long sur la signification quasi politique que pouvait vouloir dire son port. Je rapporterais celle qui eut lieu dans les pages du journal l’Indépendant en 1911 au sujet de la reine du carnaval.
Jean Amade (1869-1949) écrit au journal pour rappeler la demande que le regretté Vergès de Ricaudy, président de la Société d’Etudes Catalanes avait envoyé a Eugène Fabre alors président du comité des fêtes, pour que la coiffe catalane se vit accorder au cours des fêtes de carnaval « la place qu’elle méritait ».
En 1910 la demande avait été sans résultat, Jean Amade renouvelle cet appel, voyant que l’élection de la reine du carnaval s’ouvrait à l’ensemble du département par le biais de candidates proposées par les différents maires. La reine du carnaval allait devenir reine du Roussillon.
Il indique ainsi : « je vous prie donc d’être sincère et logique si vous ne voulez pas que je fasse appel à votre justice, à vos sentiments de reconnaissance et de générosité à l’égard d’une coiffe que nous avons le devoir non seulement de respecter, mais de mettre partout à ma lace d’honneur, si nous gardons au fond de nous la foi dans la race et l’amour de la terre. » « que penseront d’ailleurs les étrangers lorsque, venus du dehors pour assister à vos fêtes colorées et ardentes, comme le pays lui-même, ils ne retrouveront qu’une imitation plus ou moins réussie de certaines fêtes de la capitale. »
Il s’exprime au noms de ces mêmes visiteurs : « comment, vous possédez chez vous tous les éléments nécessaires pour des manifestations originelles et attrayantes et vous êtes les premiers à les rejeter, à renier ce que vous offre et votre terre et votre race. »
« Soyez bien convaincu, dans tous les cas que si l’étranger doit se réjouir à la vue de cette coiffe catalane portée avec une aisance si persuasive, le peuple catalan répandu dans les rues, pressé aux carrefours pour regarder passer le cortège, ne fera pas, alors un accueil moins chaleureux et moins enthousiaste à la reine du Roussillon. »
« le Roussillon s’éveille, il semble prêter plus d’attention et montrer plus de sympathie à ce qui manifeste sa vie et son génie propre ; nos sculpteurs, nos peintres, nos musiciens, non prosateurs et nos poètes reçoivent chaque jour chez nous un accueil plus encourageant, et y assurent leur succès par les qualités qui correspondent le mieux aux caractères même de notre région par la conviction et l’amour avec lesquels ils savent rendre, sous forme d’œuvres personnelles, l’âme catalane toujours inspiratrice et vivace…on parle, même de renaissance et ce mot n’est assurément pas trop fort. »
« Pensez d’abord au Roussillon, au pays catalan et permettez moi d’y revenir encore, aux jeunes Catalanes qui sous peu feront vivre et palpiter à nos yeux éblouis la magie de leur corps…La reine se soumettra facilement, je dirai même avec joie au décret concernant la coiffe. Elle sera heureuse et fière de la porter ainsi dans la lumière de ces jours triomphants et de faire gouter sa parure par une foule frémissante. Si même comme il faut le souhaiter, elle y ajoute les pendants massifs et le fichu de soie, et tous les autres agréments de l’antique beauté roussillonnaise, rien ne manquera à votre fête et je suis persuadé que vous vous sentirez le plus fortuné des mortels au moment de conduire de votre main gantée, vers des ovations et des vivats, cette ravissante personne que l’émotion rendra plus belle encore, plus naturelle et si l’on peut dire plus Catalane ! »
Le débat était lancé, toutes les candidates se sont présentées avec la coiffe sauf la candidate de Perpignan !
CAVI, n.146, 1999.
Amade J., « Pour la coiffe catalane », l’Indépendant, 1911, 31 janvier.
L’Indépendant, 13 février 1911, « toutes sauf la dernière sont coiffées à la catalane ».