Habillements et politique en Roussillon sous la Restauration

francs-louis-philippe-ier-z900960Le premier mai 1833, Perpignan célèbre la fête du Roi des français, « sans pompe factice, sans ce faste dont la circonstance semblait faire un devoir en d’autres temps. On vivait en paix et en sécurité, on fêtait le monarque qui vaut le bonheur de la Patrie, le bien de tous les français. La fête avait été annoncée la veille par des salves d’artillerie, une ordonnance municipale diminuait la taxe du pain : c’était un devoir dont la circonstance a fait un bienfait. Le soir de ce jour de fête, Mr Pascal, préfet du département, avait réuni à un banquet brillant à l’Hôtel de la préfecture, une nombreuse société1 ».

A Saint Paul de Fenouillet, on en profite pour mettre à l’honneur un nouveau drapeau tout juste reçu de Paris. « Une grande partie de la population était venue se confondre à celle de la ville de Saint Paul toute entière, pour prendre part à cette fête qui s’est longtemps prolongée ». Le règne de Louis-Philippe est malgré tout une période de répression à l’encontre de la libre expression. Le débat politique rejaillit sur la tenue vestimentaire des partisans. En 1841, lorsqu’un mauvais ténor est hué par les abonnés, apparaissent les différences sociales au sein du théâtre de Perpignan, haut lieu de sociabilité de la capitale du Roussillon. La scène oppose alors gens à habit et chapeaux, abonnés des loges et étages, et le parterre où étaient groupés les ouvriers à casquettes.

A Paris, la révolution du 22 au 25 février 1848 mets en place la seconde République. Un vent de liberté semble souffler sur le Roussillon : «  le 20 mars, cinquante citoyens de notre ville se sont rendus sur le territoire de Castell-Rossello, à la métairie du citoyen de Jorda, ancien tambour du passage du pont d’Arcole, et qui se retira du service avec le grade de capitaine. Par le soin de ces citoyens, et avec le concours du capitaine Jorda, le drapeau de la République a été arboré sur l’antique tour de Castell-Rossello. Il s’en est suivi d’une fête où des toasts ont été portés au maintien de la République et en l’honneur de M. Arago2 ». On pouvait danser un tout nouveau quadrille intitulé « France et Liberté ! » d’Henry Bohlman-Sauzeau, composition d’airs patriotiques, « le Chant du Départ, la Parisienne, Veillons au salut de l’Empire, la Marseillaise et la Victoire est à nous ! Toute la France voudra danser sur ces airs qui ont fait le tour de l’Europe3. »P1240875

Les arbres de la Liberté fleurissent sur toutes les places, l’un d’eux « a été béni mercredi dernier, faubourg des blanqueries (Perpignan), par le curé de la cathédrale. Les discours d’usage ont été prononcés par le chanoine Pujade, et par M. le Commissaire général. On doit procéder demain à la plantation d’un arbre de la Liberté dans la paroisse saint Jean, vis-à-vis de la place de la Loge4.» Cette réorganisation politique ne va pas sans quelques problèmes qui se répercutent sur la vie mondaine des perpignanais, comme cette scène où l’on préféra concentrer les spectateurs au Théâtre lors de la venue d’artistes reconnus, et annuler ainsi les autres divertissements gratuits habituels du dimanche. «Dimanche dernier, la population de Perpignan a éprouvé un désappointement qui lui a été sensible. Une foule considérable s’était portée, comme à l’ordinaire, à la promenade des Platanes, dans l’espoir d’y entendre la musique, qui depuis de longues années s’y rend sans jamais y manquer. Des dames en belles toilettes entendent sept heures sans voir la moindre trace de musiciens. Elles pensent que l’heure a été changée, mais voilà huit heures et rien ne paraît. On se demande le motif de cette absence, et on parvient à savoir que la musique a fait défaut pour ne pas nuire au théâtre. Il est beau sans doute de protéger les arts, surtout quand ils sont représentés par des artistes d’un talent éminent, comme ceux que nous possédions ce jour là, mais aujourd’hui que nous sommes tous égaux et frères, pourquoi ne pas répartir les plaisirs, de manière à ce que tout le monde puisse en jouir ? Car tout Perpignan ne peut contenir dans la salle de spectacle, et la majorité se trouvait réuni sous nos beaux platanes5. »P1020326

L’ordre public est alors constamment troublé lors des manifestations électorales périodiques. De 1848 à 1851 des confrontations intenses ont lieu entre les républicains, et les « blancs », c’est-à-dire les royalistes. Les danses publiques sont le cadre de ces démonstrations antagoniques où l’habillement de chacun permet de reconnaître son camp. Dans les villages, les « blancs » sont alors maltraités, comme lors de la fête patronale du Boulou à la mi-août de lannée 1850. Trois légitimistes revêtus de jaquettes blanches, sont expulsés de la place et poursuivis. Ils sont obligés de se réfugier dans une maison jusqu’à trois heures du matin ; assiégés par plusieurs centaines de « rouges » scandant des slogans politiques. Les rapports de la gendarmerie et de l’armée sont remplis de ces récits d’échauffourées. Généralement, elles se produisent suite aux chants, aux danses et à la consommation de vin lors des fêtes villageoises. Certains habitants portant bonnets rouges, se lancent dans des farandoles bruyantes, au son des tambours, sous les drapeaux rouges ou tricolores. Cest loccasion pour eux de chanter à nouveau : « Vive la République démocratique et sociale ! », « Vive la guillotine ! », « Guerre et mort aux Blancs ! ». Des jets rituels de pierres entre les deux camps ennemis s’ensuivent. À Perpignan, de telles rixes avaient parfois lieu quotidiennement juste avant 1851 et la prise de pouvoir de Napoléon III.Capture d'écran 2016-04-15 19.54

1 JPO, 1833.

2 JPO, 1848, 31/03.

3 JPO, 1848, 21/03.

4 JPO, 1848, 21/04.

5 JPO, 1848, 30/05.

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