
Louis VALTAT, paysage du Roussillon.
Je t’aime pour ta plaine onduleuse et féconde,
Pour l’éclat de ton ciel, la tiédeur de ton air,
Ô Roussillon, blotti comme une crèche blonde
Entre la Montagne et la Mer !
Je t’aime pour tes champs où la luzerne pousse,
Pour tes forêts de pins où la lune s’endort,
Pour tes coteaux escaladés de vigne rousse,
Pour tes sommets irradiés de neige d’or !
Je t’aime pour les clairs villages que tu poses
Au bord des flots, le long de tes golfes latins,
Pour ton soleil qui fait chanter les tuiles roses,
Dans le rutilement joyeux de tes matins !
Je t’aime pour ta ligne souple de montagne,
Pour les vallons de ton Vallespir enchanté,
Pour les moissons de ta lumineuse Cerdagne,
Pour ton Albère heureuse où Virgile a chanté !
Pour tes commencements d’automne dans la plaine,
Lorsque les vendangeurs regagnent les maisons
Sur les lents chariots et les comportes pleines,
Debout dans la splendeur des rouges horizons !
Je t’aime pour ta race ardente, en qui ruisselle
Et bout le jeune sang des robustes espoirs,
Pour tes filles, qui sous les coiffes de dentelle
Ont le soleil enclos dans leurs yeux de jais noir !
Je t’aime pour tes soirs de fête, après la danse,
Lorsque les couples las, par les chemins ombreux,
S’égarent pour unir leurs bouches, en silence,
Dans la complicité des crépuscules bleus…
Je t’aime aussi pour tes romances populaires,
Musique qui m’émeut de son murmure ami,
Cantiques envolés d’un rêve de grand’mère
Qui voletez autour des berceaux endormis…
Quand le dernier sommeil aura clos ma paupière,
Lorsque j’aurai tracé mon suprême sillon,
Je veux que ma poussière unie à ta poussière
Dorme sous l’olivier natal, ô Roussillon !
Je veux que ma substance emmêlée à la tienne
Soit un ferment nouveau de ta fécondité,
Et je veux que ta voix méditerranéenne
Me berce dans la mort et dans l’éternité.
Albert Bausil (1881-1943)