« La Font del Gat » fut, de sa création en 1921 à sa fermeture en 1962, un café emblématique du Perpignan des Années folles et de l’après-guerre. Il fut fondé par Justin Patrouix, qui exerçait depuis 1890 comme fabricant de boissons gazeuses. Il va établir ses activités au cœur du nouveau quartier des Platanes tout juste créé par la destruction des remparts de la ville : au n°18 du boulevard Jean Bourrat, à l’emplacement de ce qui fut par la suite le « Park Hôtel – Restaurant Le Chapon Fin » et aujourd’hui l’hôtel « Campanile Perpignan Centre ».
Ce quartier devint rapidement un lieu de sociabilité. Le square était le siège de rallyes automobiles, rendez-vous de promenade des familles et des jeunes gens, et non loin de là se trouvait le nouveau cinéma Castillet : naturellement, « La Font del Gat » s’imposa comme rendez-vous naturel de ces divers publics. Un « club bouliste de La Font del Gat » fut même créé pour accompagner ces réjouissances.
Les frères et sœurs Bausil (la maison du peintre Louis était située immédiatement au-dessus, en montant les escaliers monumentaux de la rue Molière) y prirent leurs habitudes. Ici notamment se jouèrent les premiers chapitres de la relation d’Albert Bausil avec le jeune Charles Trénet, qu’il initia à l’art et à la poésie. Charles Trénet resta toujours fidèle à cette adresse.
Ici aussi termina ses jours le peintre André Fons-Godail, fidèle ami de la famille Patrouix, qui avait pension complète. Ce fut en son honneur que Trénet composa l’une de ses chansons les plus méconnues mais les plus intimes : « Fons-Godail ». Le peintre immortalisa d’ailleurs les abords de l’établissement.
Pendant la Seconde guerre mondiale, sous la houlette d’Antoine et Madeleine Patrouix, figures actives du réseau « Bourgogne » aux côtés de Jean Olibo, « La Font del Gat » fut un des hauts lieux de la résistance perpignanaise : alors qu’au café rien ne transparaissait et que, parfois, des Allemands pouvaient être servis au comptoir, dans les chambres de l’hôtel était caché le Grand Rabbin de Hongrie et, dans les caves, des pilotes américains.
En 1954, le jeune fils de la famille, Fernand Patrouix, élève des Beaux-Arts de Paris, réalisa avec son camarade Henri Van Moë, dans la salle de l’établissement, une grande fresque consacrée au Roussillon et à ses coutumes : on y voyait des Catalans buvant au porró, un ermite et sa capelleta, des jeunes gens à baratine et à coiffe catalane dansant la sardane, sur un fond où se détachait le clocher de Saint-Jacques. Cette fresque a malheureusement disparu lors de la destruction de l’ancien bâtiment après la fermeture en 1962.
Le Temps du Costume Roussillonnais se propose de ranimer dans la première quinzaine de juillet le souvenir de ce lieu important pour la mémoire des Perpignanais et vous convie à célébrer le centenaire de « La Font del Gat » dans le square des Platanes, juste en face du 18 boulevard Jean-Bourrat, en écoutant, interprétés par les membres de l’association en costume des Années folles et de l’après-guerre, des chansons de Charles Trénet, des traditionnels roussillonnais et des chansons issues des disques qui étaient passés dans le café du temps de sa splendeur, ainsi que des textes d’Albert Bausil et de Fernand Patrouix. Cette ambiance guinguette devrait être rejointe par d’autres associations comme le Perpignan Art Déco.