Orfèvrerie renaissance d’exception, “la daphné” de Wenzel Jamnitzer.

La Daphné de Wenzel Jamnitzer

La Daphné de Wenzel Jamnitzer

Pour sa Daphné, conservée au Musée d’Ecouen, Jamnitzer poussa à l’extrême l’interprétation plastique du vase à boire anthropomorphe qui était fréquente au sein de l’orfèvrerie germanique, mais dont l’usage, ici, est sans objet. Quelle était en effet la véritable fonction de la Daphné ?

Longtemps la présence du corail, auquel les contemporains de Jamnitzer prêtaient des vertus prophylactiques, a porté à interpréter la statuette comme un « languier », l’un de ces ustensiles de la table médiévale construit comme un arbre à multiples branches où l’on suspendait des « langues de serpent » (dents de requin fossilisées) réputées capables de détecter le poison.

Mais cette hypothèse est infirmée par le plus ancien inventaire du Kunstkammer (cabinet de curiosités) de Saxe (1587) où la Daphné d’Abraham Jamnitzer est seulement décrite comme une « figure de jeune femme portant une grande branche de corail ». Peut-être la Daphné avait-elle la vocation d’orner le centre d’une table ou, plus vraisemblablement, d’enrichir les armoires du Kunstkammer d’un prince allemand collectionneur et amateur de naturalia. En effet, loin de s’en tenir à la narration de la métamorphose de la nymphe, Jamnitzer a privilégié pour sa Daphné l’évocation des mutations naturelles de la Nature : c’est ainsi qu’il faut comprendre son choix des roches métamorphiques du socle et des ramures de corail, que ses contemporains considéraient comme une espèce étrange, ni tout à fait végétale, ni tout à fait minérale.

Par ce discours, au-delà de l’évocation de la métamorphose mythologique, il rejoignait les préoccupations des savants de son temps qui s’efforçaient alors d’identifier et de classer toutes les espèces naturelles. Ce corail rouge, pêché en grande profondeur en Méditerranée, notamment sur les côtes de Sicile dans la région de Trapani, a donné lieu à la Renaissance à de nombreuses créations artistiques. Nul doute qu’une si grande ramure de corail, à la fois rare et coûteuse, était à elle seule considérée comme l’un des mirabilia les plus recherchés par les collectionneurs (documentation Musée d’Ecouen).

Cette statuette de Daphné fut réalisée par l’orfèvre Wenzel Jamnitzer à Nuremberg, Vers 1550. Elle est en Argent fondu, ciselé et partiellement doré, corail et roches. L’une des pièces majeures du Musée National de la Renaissance d’Ecouen près de Paris (Legs de la baronne Salomon de Rothschild en 1922).

On connaît le Portrait de l’orfèvre Wenzel Jamnitzer, réalisé vers 1562-1563, par  Nicolas de Neufchâtel (Mons, vers 1525 – Nuremberg, après 1573) © Musée d’art et d’histoire, Genève Photographie : Jean-Marc Yersin Inv. 1825-23.   

Nicolas de Neufchatel, portrait de l'orfèvre Wenzel Jamnitzer, vers 1562, musee geneve

Nicolas de Neufchatel, portrait de l'orfèvre Wenzel Jamnitzer, vers 1562, musee geneve

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