La naissance de la carte-de-visite à Barcelone, par Jep Martí.

La naissance de la carte-de-visite, France, 1854.

Retrat d'Antonio Font en format tarjeta de visita, fet a l'estudi de Joan Martí a Barcelona, entre 1860 i 1866 Col·lecció Cartes de visite / IEFC. FCP-26-212
Retrat d’Antonio Font en format targeta de visita, fet a l’estudi de
Joan Martí a Barcelona, entre 1860 i 1866
Col·lecció Cartes de visite / IEFC. FCP-26-212

L’invention du daguerréotype en 1839 révolutionne le monde de l’image. Elle va rendre possible en peu de temps la diffusion du portrait dans des secteurs de la population ou jusqu’alors ce n’était financièrement pas possible. Malgré tout, la possibilité  cette date de se faire tirer le portrait va rester une pratique majoritairement circonscrite à l’aristocratie et le grande bourgeoisie, laissant à la marge une grande partie de la population.

Au début de la décade  1850 apparaît à Paris un personnage qui va révolutionner radicalement la pénétration de la photographie : André Adolphe Eugène Disdéri (1819-1889). A l’origine peintre de dioramas, il semble s’initier à la photographie vers 1847. Doté d’un esprit du commerce peu courant, Disdéri va comprendre très tôt que le prix que vaut alors un portrait photographique (en plaque, en verre ou en papier) n’était accessible que pour les puissants, réduisant ce commerce à l’aristocratie et les hautes classes. De plus, le daguerréotype et l’ambrotype étaient des pièces uniques et les grands formats papier ne facilitaient pas leur reproduction Disderi va s’adonner à l’augmentation de sa clientèle, et faciliter l’accès de la classe moyenne au portrait photographique. Pour augmenter le commerce en définitive, il fallait réduire considérablement le format des portraits et trouver le moyen d’en faciliter la reproduction. 

L’ histoire nous dit que le photographe français va déposer a Paris le 27 novembre 1854 le premier brevet de portrait-carte, qui se popularisera mondialement avec le nom de carte-de-visite. Le système permettait de faire quatre, six ou huit portraits identiques ou en différentes positions, sur une seule plaque de verre, un négatif émulsionné au collodion humide, grace à une chambre photographique qui disposait du nombre d’objectifs voulus. La plaque sensible était rendue positive par contact sur papier albuminé, qui était recoupé postérieurement, donnant comme résultat un portrait sur papier mesurant entre 55 x 90 ou 60 x 95 mm. Ce papier, très fin qui en séchant s’enroulait sur lui même devait être encollé sur un carton, afin de le rigidifier, d’une mesure approximative de 63 x 105 mm. Le résultat est un portrait d’un format semblable à celui d’une carte de visite, d’où son nom qui va s’imposer dès le début. Tous les clients de Disdéri pouvaient ressortir avec  un minimum de quatre, six ou huit portraits dans la poche, au prix approximatif d’un franc chaque portrait, quand jusqu’alors ils coûtaient entre 25 et 125 francs.  Il faut se souvenir que le brevet de Disdéri ne se limitait pas qu’au portrait, mais aussi à la reproduction d’édifices, monuments i œuvres d’art, et ainsi devenir une véritable spécialité pour certains photographes, qui vont lancer le commerce florissant de vues du monde entier et de reproduction de peintures et objets d’art des grands musées. 

Le succès du premier format photographique en papier standart ne va pas être immédiat et il est difficile de s’accorder entre historiens du moments exact ou il commence à devenir un format populaire dans chaque pays, parce que son implantation fut progressive. En France et Grande Bretagne, c’est probablement à partir de 1858 et en Espagne, à Barcelona et à Madrid, plus surement fin 1858 et début 1859.  Dans tous les cas, le nouveau format va véritablement révolutionner le commerce de la photographie.

La difficulté de savoir avec exactitude a quelle date certains photographes vont commencer à proposer des portraits dans ces nouveaux formats fait prendre en considération les annonces dans la presse de l’époque, à partir seulement de 1858. A Barcelone, ce n’est qu’en septembre de cette année qu’apparaît un photographe français, installé au premier étage du 6 rue dels Canvis Vells, proche du Pla de Palau, proposant ses portraits à quatre réals. Sur certaines annonces, on peut lire : “Con máquina nueva y especial que puede sacar en el espacio de 15 segundos dos retratos con una semejanza que no se ha podido alcanzar con los métodos seguidos hasta el día”.  Il faut savoir qu’en même temps à Madrid la pressa se fait echo fin 1858 d’un photographe allemand qui avait inventé le fait que “por cuyo medio es posible fotografiar doce asuntos al mismo tiempo con un instrumento solo”,  ce qui nous indique que la capitale ne connaissant pas encore les chambres à quatre objectifs ou plus qui s’utilisent pour faire les cartes de visite, chose rare qui aurait été signalée. Quelques mois après, certains journaux de la Cour publient une annonce avec ce contenu: “Ha circulado estos días un prospecto ofreciendo al público targetas de lujo con las armas y el retrato en miniatura fotográfica, por el módico precio de real y medio cada targeta. Esta moda, muy estendida en Francia y que se trata de introducir en España, reune grandes ventajas a la del uso de la targeta con solo el nombre y el blasón del individuo”.  Si l’on ne connait pas le nom du photographe, cette proposition semble confirmer la date pour l’introduction de cartes de visites photographiques. 

 

L’arrivée de la carte-de-visite a Barcelone, 1858-1859

Retrat femení de cos sencer en format tarjeta de visita, fet a Barcelona a l'estudi de Fotografia Española, entre 1863 i 1866 Col·lecció Cartes de visite / IEFC. FCP-26-67
Retrat femení de cos sencer en format targeta de visita, fet a Barcelona
a l’estudi de Fotografia Española, entre 1863 i 1866
Col·lecció Cartes de visite / IEFC. FCP-26-67

Quand en 1839 va être rendue publique à Paris l’invention d’un procédé pour fixer de manière permanente l’image réelle grâce à une chambre noire, rapidement la pressa du monde occidental va s’en faire l’écho. Le daguerréotype va être présenté à la société par la grande porte. Il s’agissait d’une invention de premier ordre. A la différence de ce procédé, la carte de visite photographique a été seulement un nouveau format, arrivé presque incognito car il s’agissait du format plebiscité par la classe moyenne. Tout le long des années 1850, vont s’établir và Barcelone des photographes les plus cités durant la seconde moitié du XIXe s. :  Mr. Franck (1849), M. Bellver (1851), Mr. Mattey (1853), Napoleon (1853), Moliné i Albareda (1856), A. Esplugas (1856).

Ils mettent un point final à la rareté des studios photographiques et leur itinérance que le daguerréotype avait rendu habituelle auparavant. Les portraitistes photographiques alors entrent dans un espace pensé et préparé pour cet exercice. En 1858 les précurseurs sont Mr. Hostenc, un certain M. Francisco et un photographe français qui désirait alors garder l’anonymat. L’année suivante, surgiront De Nugent, Raynolt, Laresche, un portraitiste au second étage du numero 65 de la rue Conde del Asalto et un autre au second étage du 4  rue del Pla de Palau, ces deux derniers annonçant des portrait pour quatre réals. Il devient évident que les studios photo se propagerent avec plus d’assiduité au fil du temps. des quatre galeries de 1853 on passa à vingt-cinq dix ans plus tard.

Qu’est-ce qui a changé? La popularisation de la carte de visite.

Nous possédons des informations qui nous conduisent vers la même direction. Celle de ce photographe français qui annonçait des portraits pour 4 réals à la fin de 1858, rue dels Canvis Vells, celui qui fait sa publicité mi-janvier 1859 rue del Conde del Asalto, et les publicités continues pendant tout 1859 d’un photographe instalé au 4 del Pla de Palau qui offrait aussi ses portraits pour 4 réals. Nous savons qu’à cette adresse restera jusqu’en 1865 le photographe Joan Martí Centellas. Est-ce lui qui faisant sa publicité anonymement et constamment en 1859 au 4 Pla de Palau? ou bien il s’agissait d’un autre photographe? Rafel Torrella se fait écho d’un article publié au journal La Vanguardia en 1889, concluant que l’installation de Joan Martí [serait en] 1859. En tenant compte de ces dates, nous pouvons convenir que, effectivement, Joan Martí était bien celui qui en février 1859 était au 4 del Pla de Palau.

Les premiers à offrir des portraits format carte-de-visite à Barcelone : Mr. i Mme. De Nugen

Retrat femení de cos sencer en format tarjeta de visita, fet a l'estudi de Joan Martí a Barcelona, entre 1860 i 1866 Col·lecció Cartes de visite / IEFC. FCP-26-210
Retrat femení de cos sencer en format targeta de visita, fet a l’estudi de
Joan Martí a Barcelona, entre 1860 i 1866
Col·lecció Cartes de visite / IEFC. FCP-26-210

Le premier photographe annonçant des portraits à 4 réals, rue dels Canvis Vells, était très certainement Mr. De Nugent. Voyons cela. il ne s’est trouvé dan sla presse de Barcelona le nom complet de celui-ci, d’origine française, ni celui de la peintre qui l’accompagnait. Toutes les annonces retrouvées les nomme Mr. De Nugent i Mme. De Nugent –ou encore Denugent o Dessugent. Leur nom n’est connu d’aucune histoire de la photo, dictionnaires traitant de cet art en Espagne au XIXe. Il a fallu avoir recours aux Archives Nationales de France pour retrouver des enfants possibles et totalement inconnus jusqu’alors. Nous avons une réferénce precise de mariage avec les noms suivants : Desiré Mathurin de Nugent, dentiste et photographe avec Anne Marie Alexandrine Foucault, domiciliés au 10 de la Place de la Bourse. Cette date a permis de retrouver au tome XVIII du Bulletin des Lois de l’Empire Français, publié en 1862, page 897, un brevet d’invention enregistré par Anne Marie Alexandrine Foucault, dame de Nugent, pour des médaillons photographiques. Tout laisse à penser que les De Nugent présents à Barcelone en 1858 et 1859 sont Desiré Mathurin de Nugent et Anne Marie Alexandrine Foucault. Voilà enfin une première notice sur la présence de ce couple installé au 6 rue dels Canvis Vells. Anonymes, ils sont qualifiés, lui d’artiste de Paris et elle de dame qui donne des leçons –3 leçons pour 5 duros– pour enseigner à réaliser les portraits photographiques.

Au début de 1859, le couple De Nugent s’installe au 3 de la rue del Carme, près la Rambla. L’article publié dans la presse parle d’atelier nouvellement établi dans cette ville par Mr. De Nugent, ce qui laisse entendre qu’il y était déjà. le rôle de chacun des portraitistes dans les annonces de presse publiées de 1858 i 1859 est toujours identique: lui fait des photos, elle peint à l’huile et à l’aquarelle, colorie aussi les photos de son mari, et s’occupe des cours pour enseigner la photographie, ce qui rend évident qu’elle en connaissait les techniques. Donc tout laisse à penser que les établissements de la rue des Canvis Vells et de la rue del Carme sont les mêmes.

Selon une gazette du Diario de Barcelona,De Nugent dirigeait à Paris un certain Musée Central de la photographie, qui est décrit comme le plus vaste établissement photographique du monde et que cet établissement avait été détruit par l’incendie du 16 janvier 1858. Il est avéré qu’existait à Paris un tel établissement au 16  passage Jouffray, mais il est au nom de Maccaire et Cie, sans faire mention du nom De Nugent.

Pourquoi un tel focus sur le couple De Nugent? parce que le 27 février 1859, le journal barcelonais El Telégrafo publie l’annonce suivante: “PORTRAITS. cartes de visites comme on les trouve seulement à Paris : les cent : 10 duros. Portraits stéréoscopiques, De Nugent portraitiste, 3 rue del Carmen,”. Voici la publicité la plus ancienne faisant références aux cartes de visites qui pour le nombre de 100, sortent au prix unitaire de 2 réals, mais il n’est pas étonnat de penser que les publicités antérieures puissent se référer à des cartes de visites même si elles coûtent 4 reals, car elles étaient rares et nouvelles pour les barcelonais. Il semble donc que les De Nugent sont les premiers à offrir à leurs clients des cartes de visites  à Barcelone, dès septembre 1858, ce qui en fait les premiers en Espagne. mais jusqu’à présent il n’a pas été retrouvé de photos signées par De Nugent.

La popularisation de la carte-de-visite à Barcelone

Retrat masculí de cos sencer en format tarjeta de visita, fet a l'estudi d'Emilio Morera a Barcelona, entre 1864 i 1865 Col·lecció Cartes de visite / IEFC. FCP-26-72
Retrat masculí de cos sencer en format targeta de visita, fet
a l’estudi d’Emilio Morera a Barcelona, entre 1864 i 1865
Col·lecció Cartes de visite / IEFC. FCP-26-72

Les històries de la fotografia accepten en general que hi ha un moment que marca un abans i un després en la popularització de les targetes de visita a França. Es tracta de l’episodi que ens explica que el mes de maig de 1859, l’emperador Louis-Napoleon Bonaparte, Napoleon III, comandant les seves tropes cap a Itàlia, va parar al Boulevard des Italiens davant de la galeria de Disdéri per fer-se retratar per aquest fotògraf. És possible que un fet, aparentment anecdòtic, que ens ha pervingut contat pel gran fotògraf francès Nadar, representés l’empenta definitiva per a popularitzar el nou format fotogràfic. Nadar escriu:

Une circonstance singulièrement inattendue, exceptionelle (Disdéri dut prononcer: “exclusive!!!…”), vint un jour donner la suprême poussée à cette vogue déjà inouïe: Napoléon III, passant en toute pompe le long des boulevards à la tête du corps d’armée qui partait pour l’Italie, s’arrêta court devant l’établissement de Disderi pour s’y faire photographier (ce seul trait n’était-il pas déjà plus ressemblant au modèle que sa photographie elle-même?), et derrière lui l’armée entière, les rangs massés sur place, l’arme au bras, attendit que le photographe eût fait le cliché de l’Empereur… Sur ce coup, l’enthousiasme pour Disdéri devint du délire. L’univers entier connut son nom et le chemin de sa maison (xxv).

De fet, feia setmanes que la premsa de tota Europa estava pendent de quan es produiria la partida cap a Itàlia de l’emperador francès amb el seu exèrcit, per lluitar contra Àustria en defensa de la unitat italiana i del Piemont, i segurament per això el seu gest no va passar inadvertit. A Tarragona, per exemple, un periòdic local recollia la notícia amb aquestes paraules:

El emperador Napoleón antes de salir de París se hizo retratar por el distinguido fotógrafo Mr. Rideri (sic). Además ha repartido entre los mas altos dignatarios, fotografías en forma de tarjetas de despedida con el retrato de la Emperatriz, teniendo sobre sus rodillas al principe imperial con uniforme de granadero de la guardia imperial y gorra de cuartel.— En último término se halla colocado el Emperador (xxvi).

Tot sembla indicar que al Regne Unit, l’empenta definitiva perquè els britànics es llancessin massivament al col·leccionisme de les targetes de visita, la va propiciar un conjunt de retrats que el fotògraf John Mayall va fer a la família reial britànica l’agost de 1860 (xxvii).

Malgrat el que hem vist dels fotògrafs que anunciaven retrats a 4 rals a partir del 1858, em costa de creure que els estudis que ja estaven consolidats a Barcelona –Franck, Napoleon, Moliné i Albareda, i Mattey–, no s’haguessin apuntat a fer targetes de visita des del primer moment. No n’he trobat referències documentals explícites, ni he vist mai cap targeta de visita d’aquests fotògrafs que porti anotada una data anterior a 1861. Tampoc n’he vist de cap altre fotògraf, però això no vol dir que no en fessin. De fet, si fem l’exercici d’explorar una gran quantitat de targetes de visita, ens adonarem que una gran part de les que no porten cap mena d’estampació del nom del fotògraf, corresponen a aquest període inicial.

Al quadre que reproduïm hi comptabilitzem set estudis fotogràfics oberts a Barcelona abans de 1858 que continuaven actius aquest any. Quinze fotògrafs que van obrir galeria entre el 1858 i el 1861 –alguns d’aquests no van allargar més d’un any o dos. El 1862 obren, si més no, catorze galeries més, i la majoria d’elles continuaran actives al llarg de tota la dècada i més enllà (xxviii).  Si tenim en compte que els noms dels fotògrafs que desapareixeran públicament al cap de poc temps són el Comte de Vernay, un fotògraf en constant moviment per la geografia peninsular i que el mateix 1862 va obrir galeria a Madrid; Joan Magistris, que passarà a ser el primer operador de la galeria d’Emili Morera; D. Corbin, primer operador del taller Franco-Hispano-Americano, –de Jaime Felipe Kieger i Òscar Audouard–, que després s’establirà pel seu compte, i tot seguit s’anunciarà com a primer operador de Rovira i Duran; potser haurem de convenir que el 1861 és l’any del gran esclat de la targeta de visita a Barcelona, malgrat que feia més de dos anys que alguns fotògrafs l’oferien als seus clients. Això va propiciar que el 1862 obrissin tantes galeries a la caça i captura d’una part d’aquest immens –i nou– negoci que ja era al carrer.

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